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Lutte contre la corruption : et le corrupteur dans tout ça ?

Le nouveau pouvoir au Burundi dit vouloir faire de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités. Mais, depuis des lustres, la lutte s’est toujours penchée sur le corrompu et non sur le corrupteur. Qu’en est-il de ce dernier dans ce combat ?

D’entrée de jeu, rappelons que le Burundi reste l’un des pays les plus corrompus. Classé en 2019 165è sur 180 pays par l’ONG Transparency International, il est le 2è pays le plus corrompu en Afrique de l’Est, selon le rapport de l’indice de perception de la corruption (IPC) de la même ONG. C’est dire la tâche qui attend l’équipe du nouveau président.

Comme un porte-flambeau, le nouveau ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et du Développement Communautaire a déclaré la tolérance zéro à la corruption et déclare vouloir « balayer d’abord devant sa propre porte », d’après les mots du porte-parole de ce ministère. Et les premières « victimes » sont déjà là. Mais parmi ceux qui ont été arrêtés pour corruption, tous étaient accusés d’être des corrompus, aucun corrupteur !

Corrupteurs malgré eux ?

N.C. est un jeune burundais à la recherche du travail. Dans l’obligation de déposer certains papiers officiels ici et là, il avoue avoir déjà eu à soudoyer quelques personnes pour arriver à ses fins. « Parfois, c’est difficile d’accéder à certains documents dans un bref délai et si tu veux faire vite, tu glisses quelque chose à la personne qui va t’y aider », raconte-t-il avant d’ajouter : « Quand on sait que les autres font de même et que certains bénéficient parfois du clientélisme dans nos différents services, on se rabat parfois à un pot-de-vin pour voir son dossier avancer ».

A.M., lui, a essayé de lutter contre mais sans succès. Chauffeur de bus sur la RN3 Bujumbura-Rumonge-Nyanza Lac, il a, pendant un mois, tenté une expérience : « Ne jamais soudoyer un policier de roulage ! ». Se sachant en  règles quant aux papiers de sa voiture, il était bien parti pour être un « chauffeur modèle ». Mais, pendant ce seul mois de 2019, il s’est vite rendu à l’évidence : « 6 contraventions venues de je ne sais où m’ont été collées par des policiers qui étaient devenus furieux à mon égard », dit-il en m’annonçant être retourné aux « bonnes vieilles méthodes ».

Prêcher par l’exemple

« La corruption est le fait d’un système », semble dire Gabriel Rufyiri de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME). Il rappelle par ailleurs que la loi est claire en la matière. Dans la loi anti-corruption de 2006, « le corrupteur et le corrompu écopent en principe de la même sanction », dit-il « mais ce sont parfois les preuves qui font défaut », la corruption se faisant en toute clandestinité.

Pour Rufyiri donc, il faut un cadre général légal pour bien mener ce combat. Se félicitant des premières mesures du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, il souhaite voir ce combat mené dans d’autres ministères, et surtout que ce soit une lutte bien organisée et orientée par les autorités. Cela passerait entre autres par la transparence en ce qui est de la passation des marchés publics. Parce que « si c’est bien et encourageant de combattre la petite corruption, cette lutte sera sans effet si la grande corruption n’est pas combattue au même niveau ». 

Et le premier signe d’une bonne volonté est inscrit dans les articles 29 à 36 de la loi anti-corruption. Cela concerne, rappelle le président de l’OLUCOME, la déclaration du patrimoine des personnes entrant en fonction endéans 15 jours dès leur prise de fonction. Cela serait suivi par la répression de tout enrichissement illicite et de tout signe extérieur de richesse. « Ce qu’aucune personnalité du nouveau pouvoir n’a pas encore fait », regrette-t-il.

 

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