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L’homme, ce prédateur aux vils instincts

Au moment où certains enfants portent des cahiers, d’autres portent des bébés. Nos yeux cyniques ne fusillent du regard que ces filles-mères qui les portent, comme si un enfant se faisait à un. Où est la part de ces hommes qui se terrent dans leur bulle sociale, et se permettent des horreurs en cachette? Ceci est l’histoire d’une jeune mendiante croisée dans les rues sombres de Bujumbura.

Ils me disent que mon avenir se trouve entre mes jambes, me bassinent de commentaires infects sur mes petits seins pubères et hauts perchés, mes jambes plus féminines qu’hier… Et quand je leur tends la main, c’est plutôt une autre partie de mon corps qu’ils réclament. Cette partie qui, depuis quelques mois, ne verse que des larmes de sang. Des larmes que j’essuie avec des vielles chaussettes remplies de sable.

Depuis que mon corps s’est mis à se métamorphoser, ces «caritatifs» aux vils instincts n’y voient qu’une monnaie d’échange. Et quand leurs cerveaux débordent d’alcool ou que leurs narines crachent un nuage de fumée, ils envahissent mes vieux haillons et fourrent leurs doigts sous mes dessous.

J’ai souvent entendu dire qu’on n’oublie jamais sa première fois. Je m’étais jurée de garder mon miel pour un homme que j’aurais aimé. Hélas, mon estomac perpétuellement en vacances ne me laisse guère le choix. Pauvre pétale fragile, combien de temps tiendrai-je devant la force de la faim? Ma première fois sera une affaire, une transaction avec un homme qui ne cherche, qu’à se «dévieillir» à coup de chair fraîche avec une petite impubère.*

Et mes rêves alors? Avant c’était un uniforme, un cahier, un stylo…une tête rasée. Jadis, je nourrissais l’espoir que ma vie se jouera sur un banc de l’école et non au fond d’une ruelle. J’ai déjà raté ce coche. Maintenant que la machine à reproduction massive a fait son boulot, l’espoir est un luxe que je ne peux plus me permettre. Et vu que rien n’est prévu pour l’après-demain de mon fœtus, écarter mes jambes est une histoire qui risque de se répéter.

Qui me tirera de cette panade?

La mairie? Même pas en rêve. La ville a besoin d’être propre, non? Laver les rues de ces sales mayibobo est devenu un service d’hygiène qu’on rend à la communauté. Devrais-je peut-être lancer un SOS à la police? A moins d’avoir des pulsions suicidaires. Ceux-là même qui me rendent des visites impromptues et se ruent sur moi tel un dangereux mafioso qu’on cherche à clouer au pilori? Qui sait eux-mêmes ce qu’ils peuvent me faire s’ils m’attrapent?

Seigneur, qui volera à mon secours? Les droits de l’Homme? Les âmes charitables? Ces dernières ne sont toujours pas si charitables que ça. J’ai beau leur réciter un chapelet de compliments, essayant d’éveiller un esprit samaritain chez certains, un instinct maternel pour d’autres, pas un sous ne sort de leur poche.

Du moment que leur progéniture peut aller à l’école le matin en se léchant le doigt et savourer des plats aux odeurs alléchantes à midi, les pleurnicheries d’une mendiante sont les derniers de leurs soucis. À peine se souviendront-ils de moi à Noël pour un soda et un selfie qu’ils colleront à la liste de leurs œuvres philanthropiques.

Et pour le reste des jours de l’année, ce sont ces mâles qui prendront soin de moi. Et bientôt de ma petite fille.

Bonjour les hommes!

 

*citation du professeur Ngorwanubusa

 

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