Il y a quelques jours, la Cour Suprême kényane a invalidé l’élection présidentielle et a ordonné la tenue d’un autre scrutin. Le blogueur Jean Marie Ntahimpera tente une comparaison avec ce qui s’est passé au Burundi en 2015 à propos de la constitutionnalité du « troisième mandat » de Pierre Nkurunziza et en appelle au courage de la magistrature burundaise.
Contre toute attente, la Cour Suprême du Kenya a pris ce vendredi une décision historique en invalidant les résultats de l’élection présidentielle, à base des éléments donnés par l’opposition, prouvant que cette élection avait été caractérisée par beaucoup d’irrégularités.
Le monde entier reconnait que les membres de cette Cour, et surtout son président David Maraga, ont fait preuve d’un courage exceptionnel.
En recevant les nouvelles de cette décision, je me suis dit : « Si nos juges avaient été aussi courageux en 2015, ils nous auraient épargné cette crise ».
En effet, la situation du Kenya aujourd’hui et celle du Burundi de 2015 sont très similaires. Ce sont toutes des situations de conflit, où les instances de justice sont appelés à jouer un grand rôle.
En regardant en arrière, à la lumière du courage des juges kenyans, on ne peut pas s’empêcher de remarquer que la Cour constitutionnelle du Burundi a raté un rendez-vous avec l’histoire.
D’après le témoignage de l’ancien Vice-président de cette Cour, Sylvère Nimpagaritse, nous savons que 4 sur 7 juges appelés à statuer sur la constitutionnalité du troisième mandat de Pierre Nkurunziza considéraient qu’il était anticonstitutionnel. S’ils avaient voté en âme et conscience, il n’y aurait peut-être pas eu de troisième mandat, et toutes ces centaines de morts, ces milliers de prisonniers et de réfugiés qui s’en sont suivi.
Mais on sait, d’après toujours Sylvère Nimpagaritse, que les 4 juges qui étaient contre ont subi des menaces et, pour sauver leur vie, ont été obligés d’approuver le troisième mandat, sauf lui qui a refusé et a été obligé de s’exiler.
Nelson Mandela disait que « le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la vaincre ». Il avait raison. Les juges kenyans ont pu vaincre la peur, ceux du Burundi ne l’ont pas pu.
Peut-être que je me trompe, peut-être que le troisième mandat et la crise qu’il a provoquée auraient eu lieu même si les juges de notre Cour constitutionnelle en avait décidé autrement. Mais au moins ils auraient joué le rôle qui est le leur, qui est de veiller à ce que la Constitution soit respectée.
Aujourd’hui le mal est déjà fait, on ne va pas refaire l’histoire. Mais que le courage des juges Kenyans soit une référence pour les nôtres et leurs décisions cruciales dans le futur. Comme partout ailleurs, il n’y aura pas de paix sans justice, et il n’y aura pas de justice si les juges ne parviennent pas à vaincre la peur.
Je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais qui a dit que les juges avaient un métier facile ?