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Juge unique, un accélérateur de justice qui ne manque pas d’inconvénients

La loi numéro 1/26 portant code de l’organisation et de la compétence judiciaire a été promulguée le 26 décembre 2023 par le président de la République. Elle vient modifier celle de 2005 qui était en vigueur depuis 18 ans. Elle est composée de 217 articles tandis que l’ancienne n’en comptait que 161. Parmi ses principales innovations, figure l’instauration du juge unique. De l’avis des experts, cette innovation, quoi qu’utile, a son revers de médaille. Nous nous sommes entretenus avec Me Emery Bayizere de l’Ordre des Avocats près la Cour d’appel de Gitega à ce sujet. 

Quels sont les avantages liés à l’instauration du juge unique ? 

E.B : le premier de ces avantages est sans nul doute la célérité. Aux yeux du législateur, l’instauration du juge unique est perçue comme l’accélérateur de la justice. Face aux lenteurs et aux prorogations interminables des causes dont les plaideurs sont victimes, qui sont par ailleurs la conséquence des conflits d’opinion qui naissent entre les juges d’un même tribunal, les dossiers se videront rapidement.

Quant à la responsabilité, bien qu’il ne puisse pas être poursuivi en raison de la décision rendue, le juge en charge de l’affaire est directement responsable et le risque de corruption est moindre. Rappelons qu’avant cette loi, pour statuer, la constitution du siège était collégiale et en nombre impair (3, 5, 7, etc.), selon la juridiction concernée. Maintenant, un seul juge pourra statuer, dans les limites tracées par cette loi. 

Quid des inconvénients ?

E.B : je répondrai à cette question en deux temps. D’abord en ce qui concerne la capacité, étant donné que certains de nos magistrats ne sont pas suffisamment formés, la collégialité permettait la confrontation des connaissances. Selon la notion discutable qui veut que  « deux têtes valent mieux qu’une », un collège de juges peut présenter une variété de connaissances dont un seul ne possède peut-être pas. Dans une affaire compliquée, un juge unique pourrait oublier quelques points importants. Une distraction, une négligence, une inattention de sa part pourraient l’exposer à des erreurs qui ne passeraient pas inaperçues quand plusieurs juges sont sur une affaire. 

 

Parlons maintenant du contexte. Dans un contexte comme le nôtre où les recrutements sont effectués sans aucune forme de compétition, les justiciables ne considèrent pas le ministère des juges à sa juste valeur. Ils considéreront peut-être celui qui a tranché non pas comme une institution, mais comme un individu. Le risque est donc d’assister à des récusations incessantes, voire des attaques personnelles contre celui ou celle qui a statué. 

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Bonne reflexion, sur les avantages j’ajouterais une grande possibilité d’autoformation et d’introspection du juge unique.
    Pour l’autoformation, le juge burundais est tout terrain par titre ( affaires pénales, civiles…)tout est sous sa charge il suffit d’être juge. En tant qu’humain faut reconnaître que personne n’est maître de tout. Ce risque est grand pour un juge où il suffit d’une simple inattention pour gâcher toute une vie d’ une personne voire même de toute la famille… , avant les juges comptaient sur le soutien des autres membres du siège, ils se sentaient protéger par le secret du délibéré, mais aujourd’hui, certes, le juge burundais doit apprendre à lire entre les lignes des lois, il doit consulter les textes nécessaires, les jurisprudences et d’autres instruments pour prendre une décision juste et équitable comme l’unique responsable pour toujours. Les écrits restent. Il se sentira responsable de la décision rendue, son Nom, son unique Nom sera en bas de la page.
    Quant à l’introspection, j’espère que le juge pensera deux fois avant de rendre la décision. Pour son Nom, et pour le bien du Pays qui l’a confié cette noble mission si exigente.