Alors que sa mission touchait à la fin, un blogueur séjournant à Muyinga a décidé de faire une escapade à Kobero. Arrivé sur les lieux, une envie irrépressible de visiter une localité de la Tanzanie l’a pris. Il s’est retrouvé à Kabanga, presque par hasard. Comment a-t-il vécu cette journée riche en couleurs ? Il nous raconte tout.
Kobero, 10 h heure locale. Le rendez-vous qui devait venir de Kamaramagambo n’est pas venu. La personne en question semble m’avoir posé un lapin. C’est bien connu, lorsqu’on ne peut pas accomplir la mission, ce n’est pas seulement une perte pour l’organisation, mais aussi un échec pour celui qui en était chargé. Me voilà donc à Kobero, sans savoir si je dois abandonner et rentrer chez moi. Mais voilà qu’un motard, des plus charmants, m’aborde et me dit : « Ushaka kuja Kabanga, canke i Nduta, ndagufashe kurondera ‘’Ujirani mwema ?’’ » («Veux-tu te rendre à Kabanga ou à Nduta ? Je peux t’aider à trouver Ujirani mwema ?). “Ujirani mwema” signifie le bon voisinage. Un Burundais se rendant en Tanzanie pour quelques heures n’a besoin ni de passeport, ni d’autres documents de voyage. La carte d’identité nationale suffit. On vous remet un petit papier tamponné sur lequel est écrit votre nom, et c’est tout. A condition, bien sûr, de ne pas s’aventurer trop loin de la frontière et de ne pas avoir de bagages. Je suis très tenté par l’idée de passer un samedi dans un endroit nouveau. Si c’est dans un pays voisin, tant mieux. Après un moment d’hésitation, je négocie le prix de transport avec le motard et c’est parti pour une nouvelle aventure.
L’épreuve de feu
C’est avec une certaine appréhension que je m’approche du point de passage de Kobero. Les services de migration tanzaniens et burundais travaillent dans un même bâtiment. Je garde un mauvais souvenir de mon passage l’année dernière au poste-frontière de Mugina, où la police tanzanienne était très sévère envers les Burundais. Je me présente, carte d’identité à la main, devant une policière tanzanienne qui m’adresse la parole simplement pour me demander : « Ujirani mwema ? ». Je cherche aussitôt le mot swahili pour dire « oui ». J’acquiesce : « Ndiyo ». L’agent me désigne un de ses collègues devant lequel je fais la queue. Quelques minutes plus tard, il me demande ma carte d’identité, puis me la rend avec un papier sur lequel est apposé un tampon et mon nom. J’allais demander si c’était tout, mais je me suis retenu et j’ai traversé à grand pas le hall du poste-frontière.
Quand je m’apprêtais à entrer sur le sol tanzanien, un policier qui surveille la barrière à qui je donne ‘’Ujurani mwema’’ me rend le petit papier et me dit : « Kibali cha kwa muganga (certificat médical) ? ». Là, j’ai failli avaler mon swahili, car je ne savais pas qu’il fallait ce document. Je retourne donc au bureau des migrations, où je m’explique mon problème avec mon swahili hésitant. Mais, à ma grande surprise, on me donne le fameux certificat sans poser d’autres questions. Je peux donc rejoindre Kabanga, qui se trouve à une dizaine de kilomètres de la frontière.
Kabanga, haut en couleur
Nous franchissons le check-point sans problème. J’achète 50 000 shillings tanzaniens qui me coûtent les yeux de la tête, puis nous poursuivons notre route. J’arrive donc à Kabanga, que j’avais imaginé grande, charmante et majestueuse. Mais je me suis complètement trompé. Kabanga est simplement un grand village qu’on peine à appeler une ville. Il y a bien un poste de police, un marché en terre battue, plusieurs camions garés au bord de la route, quelques hôtels, mais ce n’est pas Kigoma que j’ai eu l’honneur de visiter l’année dernière. Nous commençons par visiter le marché. A mon grand étonnement, on parle kirundi. Mon guide, qui est aussi mon chauffeur, m’explique qu’il y a beaucoup de Burundais qui viennent pour faire du business et rentrent le soir. D’autres se sont installés et se sont mariés à des Tanzaniens ou des Tanzaniennes. Nous laissons la moto chez un tailleur burundais qui n’a aucun complexe à parler kirundi. Nous poursuivons notre mini road-trip et faisons du lèche-vitrines pendant une trentaine de minutes.
Je décide d’entrer dans un magasin pour m’offrir des tongs. « Hii ni ngapi ? », je demande à la caissière dans mon swahili maladroit. « Shilingi elfu ishilini na tanu », me répond-elle. Je fais un calcul mental rapide : 75 000 BIF. Cela refroidit immédiatement ma soudaine fièvre acheteuse. Je m’éclipse donc discrètement. Je demande à mon guide de trouver un endroit où nous pourrions nous poser et boire quelque chose. Chose dite, chose faite. Nous atterrissons au New Free Park Hotel. Quelques Safari (bière tanzanienne) et un morceau de viande engloutis, et mes 50 000 shillings tanzaniens se sont déjà envolés. Il n’y a plus qu’à rentrer.
Le retour au bercail
Sur le chemin du retour, mon chauffeur me montre des sentiers empruntés par les contrebandiers, au cas où cela m’intéresserait. Nous regagnons Kobero sans encombre. Il me propose un dernier verre ‘’pour la route’’ que j’accepte volontiers. Il me confie qu’il a essayé de cerner qui je suis réellement. « Je me disais que tu es soit un officier de l’armée, soit un homme d’affaires venant explorer des opportunités ou un opposant politique quittant le pays en catimini », me dit-il entre deux gorgées de bière. Je me tords de rire et lui réponds que je suis juste un Burundais désireux de voir du pays. Une heure plus tard, je remercie mon hôte et me dirige vers Muyinga.