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Infanticide : lettre d’un bébé de l’au-delà

2020 au Burundi, ce n’est pas seulement la Covid-19, la mort de Nkurunziza ou les élections qui font la une. Ce sont également plusieurs cas d’infanticides, surtout en ce mois de juillet. Le 23 juillet, une veuve de 25 ans à Makamba a jeté dans la toillette un bébé qu’elle venait d’accoucher. Le 18 juillet, même scénario avec une jeune fille de 18 ans à Ngozi. Ces cas ne sont pas isolés, puisque le 20 juin à Muyinga et le 22 février à Bururi, de telles histoires se sont produites. Face à cette horrible histoire de Médée qui se répète, un bébé de l’au-delà nous écrit.

Chère Maman, bonjour. Pour moi, vous êtes Maman, car j’ai partagé plein de choses dans les neufs mois que vous m’avez porté. Une simple lettre ne saurait exprimer ce que je voudrais vous dire, ce que je ressens, car le seul souvenir que je garde de vous est celui de votre toillette qui m’a accueilli pour la dernière fois.

Là où je suis au ciel, je vous regarde. Vous êtes belle, jeune et douce. Et d’ailleurs à voir votre âge, vous êtes une ado. Je sais que vous croupissez en prison à cause de moi. Prisonnière d’une histoire qui vous dépasse. D’angoisses qui vous submergent. Je vous vois soumise à un inconscient habité de fantômes dévastateurs. Je vous demande pardon maman. Je sais que vous n’étiez pas dans votre état quand vous disiez que vous vous débarrassiez de cette « chose » que j’étais.

Vivre l’incompréhensible

Chère Maman, autrefois, les bébés non désirés étaient abandonnés au hasard dans l’espoir d’une prise en charge par des passants. Pourquoi vous n’avez pas fait de la sorte ? Je sais que quand vous l’avez fait, vous n’étiez pas folle. Quelques jours avant, je vous entendais vous justifier en disant : « Ça ne regarde que moi ». Non Maman, « Umwana si uw’umwe, ni uw’igihugu », disaient vos ancêtres.

Je sais que je suis né d’un désir inconscient, consécutivement à des rapports sexuels non protégés. Et d’ailleurs, ceux qui emboîtent vos pas sont légion. Les chiffres des grossesses en milieu scolaire en témoignent. Où était la contraception maman ? Par-là, vous auriez pu éviter ce qui s’est passé. Mais oui, on ne vous a pas enseigné à vous protéger, et malheureusement, j’étais là. Même s’il n’y avait pas de désir d’enfant en vous, la douleur de l’enfantement et l’instinct maternel devrait vous empêcher de déraper par vengeance de mon père qui m’a renié, par peur de l’avenir ou des réactions de l’entourage pour des raisons morales ou religieuses.

Politique de l’autruche

Mais maman, je ne vous blâme pas. J’ai connu la douleur que vous avez ressentie quand papa m’a renié. Je vous entendais quand vous pleuriez seule dans votre chambre, à cause de votre famille et la société qui vous diabolisaient. « Inda z’indaro », « ishushu », « ibitwarire », disaient-ils. Même le gouvernement et l’Église n’ont pas les mains propres. Je sais que même si vous vouliez faire le recours aux contraceptifs, ils allaient vous empêcher en brandissant la fameuse « abstinence », alors que son impact catastrophique se lit sur les chiffres des grossesses en milieu scolaires qui ne cesse d’aller crescendo, et par ricochet, envoyer d’autres bébés clandestinement au-delà via l’avortement.

Et pour clore, sachez que j’ai pratiqué l’oubli des offenses. À voir le calvaire que certains font vivre aux enfants, souvent je me console en disant que je suis chanceux. Et pour prévenir ce qui s’est déjà passé, il serait bon déjà d’instaurer le dialogue sexuel avec les enfants dès leurs jeunes âges, soutenir les jeunes filles enceintes via des associations d’accompagnement psychologique et matériel, arrêter de les juger et les diaboliser, sans oublier de disponibiliser dans les écoles, les centres de santés et centres de jeunes les contraceptifs dont on ne veut pas entendre parler.

 

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Les commentaires récents (6)

  1. Je suis pour l’accompagenement pshychologique et materiel des adolescents enceintes et d’en parler en classe dans les cours,ou ajoutent un cour qui en parle

  2. C’est bien beau que vous en parliez mais agir c’est meilleur …. Ces dialogues , accompagnement psychologique et matériel vous ,oui vous , qui voyez l’importance , la nécessité vous devriez les mettre en pratique .