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Guerre froide dans la cité

La guerre, il n’en veut toujours pas. Jean-Marie Ntahimpera revient sur son blog du 8 juin dernier où il militait en faveur d’une participation active de l’opposition aux éléctions afin de sortir de l’abîme dans laquelle le Burundi s’enfonçait. À la lumière des évènements des trois derniers mois, il reprend les arguments de sa réflexion et répond à ceux qui étaient en désaccord avec sa vision.

Mon billet du 8 juin, Éviter la guerre, a été récemment republié par Waza Afrique. J’y proposais de tout faire pour éviter que le Burundi connaisse une nouvelle guerre.

Cet article avait été publié quelques jours avant les premières élections. Les manifestations contre le troisième mandat étaient en train de s’essouffler. Les politiciens de l’opposition hésitaient. Tout le monde savait que les manifestations ne pouvaient pas continuer longtemps; la plupart de leurs organisateurs étaient partis en exil, d’autres étaient en prison. Personne ne savait quoi faire. Deux options se dessinaient alors : les élections ou la lutte armée.

Prôner la voie des urnes, un choix constesté

Évidemment, je ne croyais pas, et je ne crois toujours pas, aux bienfaits des armes. Donc, je proposais les élections. Même si elles étaient mal organisées, avec une commission électorale loin d’être consensuelle, je me disais que la voie des urnes était le moindre mal.

L’article a suscité un grand débat, avec des réactions poignantes notamment de Ketty Nivyabandi, Maître Cyriaque Nibitegeka ou encore Angelo Arakaza, qui tous étaient en désaccord avec moi. Pour eux, aller aux élections signifiait légitimer le troisième mandat. Qu’est-ce que nous avons eu en fin de compte ? Les deux. De mauvaises élections, et une lutte armée de nuit dans les quartiers contestataires.

Violences en chaîne

Nous avons aussi eu des attaques ciblées, « chirurgicales », contre des personnalités civiles, politiques ou militaires influentes : le général Adolphe Nshimirimana, l’ancien chef d’État-Major Jean Bikomagu (l’Adolphe tutsi du milieu des années 90 comme on dit) ou encore le défenseur des droits de l’homme Pierre Claver Mbonimpa qui, lui, Dieu merci, a survécu, pour ne citer que quelques cas. D’autres innombrables anonymes sont assassinés chaque jour : des militants des partis d’opposition pour la plupart, mais aussi des membres du parti au pouvoir.

Chacun craint qu’il soit le suivant, tout en espérant qu’il ne le sera pas.

Aujourd’hui, c’est la peur dans tous les camps. Si un homme aussi puissant que le Général Adolphe a pu être assassiné en plein jour, n’importe qui d’autre, aussi puissant soit-il, peut subir le même sort, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition.

On sait que le serpent qui a peur a tendance à attaquer le premier. Chaque fois qu’il y a une personnalité ou un militant assassiné, je suis sûr que tout le monde se demande : qui est le suivant ? Et chacun craint qu’il soit le suivant, tout en espérant qu’il ne le sera pas.

La possibilité d’une paix

Ce pays est en train de mourir, mais nous savons qu’il ressuscitera un jour. Ce que nous ignorons, c’est que nous serons encore vivants quand il ressuscitera. Nous sommes déjà passés par là. Nous avons vécu une guerre sanglante pendant plus d’une décennie mais tous ne sont pas morts. Cependant, ceci ne veut pas dire que la situation que nous traversons doit être relativisée. Cette situation n’est pas normale.

Tous ceux qui le peuvent doivent nous aider à sortir de ce mouroir. Notre salut dépendra surtout du leadership politique de tous les bords. Si tous comprenaient que la guerre n’est pas une solution, on pourrait retrouver la paix.

Une paix conditionnelle

Nous n’aurons pas de paix si ceux qui ont fui le pays ne sentent pas suffisamment en sécurité au Burundi pour y revenir. Tant qu’il y aura des hommes persécutés, assassinés ou emprisonnés, les exilés resteront exilés. Souvenons-nous de notre histoire récente : chaque fois qu’il y a eu des flux de centaines de milliers de réfugiés dans les pays limitrophes, il y a toujours eu une rébellion armée à partir d’un pays voisin. Il ne faut pas croire que cette fois-ci sera une exception.

Il n’y aura pas de paix s’il n’y a pas de liberté d’expression dans notre pays. Il faut impérativement que les radios qui ont été détruites, Isanganiro, Bonesha, RPA, Rema Fm, aient la possibilité de travailler de nouveau pour qu’elles donnent la parole aux citoyens. Faute de quoi, une partie importante de la population se sentira étouffée, et tentera de se « libérer » par des moyens que nous ne pouvons pas prévoir.

Enfin, nous n’aurons pas de paix si les prisonniers politiques ne sont pas libérés. Tous ces milliers de jeunes gens qui ont été arrêtés dans les manifestations sont des prisonniers politiques. Leur libération est indispensable.

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