À la fac, les ligalas succèdent souvent aux cours, les bouteilles de bière aux syllabus. Et souvent, les jeunes ont de ces histoires ! Voici un récit qui vous déridera en ces jours sous haute tension…
Nous sommes en période des premières sessions. Nous avons fait l’examen du cours d’Introduction à l’Étude du Droit dans la faculté des Sciences de la Communication au Campus Kinindo. Sur le chemin de retour dans le quartier, nous sommes détournés par la sensation de soif évoquée par l’un des nôtres, le vénérable Noky. « Que diriez-vous d’un moya bien frais. L’IED, je l’aurais comme complément à coup sûr. »
Sur un pas de cadence, nous rejoignons nos compères déjà en apéro. Après des salutations aux allures des hulligan’s, nous prenons place sur le chaînage de la boutique de chez Alfred. Aussitôt assis, aussitôt une bière nous est proposée par le tenancier de la boutique. Des blagues fusent de partout, des vannes, des confessions,… se succèdent.
Après la troisième bouteille, le ton n’est plus modulé, plus on se sent comédien, plus on est enclin à balancer une blague, peu importe qu’elle soit marrante ou pas du tout. « La dernière fois que j’ai croisé de sublimes demoiselles, elles étaient accrochées au cou du beau-gars Noky, yari mu nyishu (il était dans l’accomplissement de ses vœux) », lance Kélvin*, suivi d’un torrent de rires.
Voici un peu ce qu’est notre quotidien.
Nouveau monde, nouvelles têtes, nouvelles habitudes
Au bout d’un demi-trimestre, l’horaire change et on nous informe que les heures restantes du cours de Recherche-Documentaire, nous les suivront au campus Mutanga-Nord. Ainsi éclate la promesse de pouvoir suivre la faculté que nous aimons tant, les Sciences de la Communication, au campus Kinindo qui se trouve tout près de Kinanira, notre quartier et qu’on va « déménager » vers le campus Mutanga-Nord.
Les étudiants de ce côté-là nous semblent plutôt plus raffinés que nous. Les uns ont été au Lycée SOS H.G, d’autres à l’École Indépendante, ou alors au Saint Michel-Archange. Nous autres, qui venons du Sud de Bujumbura, avons fréquenté le Lycée Municipal de Musaga, le lycée de La Convivialité ou le Lycée de l’Horizon. Bien que le système scolaire ait été le même pour nous tous, notre scolarité fut légèrement différente. La façon dont « ils » prononcent le français est impeccable, ils ont plusieurs habits : izobatondanye avant la pause sizo bagarukana après-midi (les vêtements qu’ils portent avant la pause ne sont les mêmes que ceux qu’ils mettent l’après-midi NDLR), ils ont largement le temps d’aller prendre une douche chez eux à Mutanga-Nord ou Gihosha et revenir tout en fraîcheur… Alors que nous, notre français est très approximatif et nous pouvions attendre la deuxième séance de l’après-midi en train de siroter quelque chose.
Seul point commun, l’amour des débits de boissons alcoolisées, les boutiques-à-prix-normal. Cette fois-là, le moment est au processus de parfaite cohésion, des liens d’amitié se tissent. Au bout de quelques sorties, les étudiants du campus Kinindo et ceux du campus Mutanga-nord se mêlent à ne plus les nuancer, leur union s’enracine, ils peuvent maintenant se taquiner librement.
« Basha, Aimé arazi gusimba gose !!! » (Les gars, Aimé*est un grand grimpeur !!!), s’exclame Noky.
Nous éclatons tous de rire. Noky n’aura pas loupé la plus belle introduction d’une longue vanne sur la façon dont Aimé est parvenu à rentrer chez lui lorsqu’ ils l’ont déposé la nuit dernière.
Comme cela peut être fait par tout jeune doté de réflexes très habiles, Aimé* a bel et bien escaladé le mur faisant objet de clôture de chez lui et il a sauté.Vous l’aurez déjà compris !
« Quand il faut rentrer à la maison, il faut passer par la grande porte »
Dans ma coquille, j’observe la courbe que prennent les discussions et je constate que deux groupes se sont créés. Les uns défendent la stratégie de « sauter la clôture » et d’autres l’accusent d’infantilisme.
« Il peut arriver qu’une soirée soit bien mouvementée jusqu’à ne plus consulter la montre. Pendant ce temps à la maison, ils pensent à fermer partout et aller dormir. Si par mégarde, le domestique n’arrive pas à se réveiller, le saut est le meilleur moyen d’entrer. Et il n’y a aucun mal », s’explique Aimé*, d’un air pour le moins rassuré.
Ce n’est pas ce que pense Binty qui à son avis, le fait d’escalader des murs est un signe flagrant d’immaturité, « tant que l’on ne peut pas te confier les clés du portail, c’est que le degré de responsabilité est remis en cause. Quand il faut rentrer à la maison, il faut passer par la grande porte !»
Entre faire le saut et réclamer les clés du portail, quel serait votre choix ? Moi je vais demander l’avis des parents ou peut-être j’attendrais mon tour d’avoir des enfants et le constater par moi-même.