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[Opinion] Faut-il emprisonner ceux qui réclament leurs droits ?

La nouvelle selon laquelle des médecins ont été récemment arrêtés est sur toutes les lèvres en ce moment. Pour quel crime ? « Ils ont revendiqué une augementation de salaire pour les praticiens de ce métier »; vient de declarer la fédération des syndicats des professionnels de santé (FSPS), ce 6 février. Mais alors, comment un emprisonnement vient comme une solution à une revendication d’une revalorisation de son travail ?

Petit flashback. La revendication d’une revue à la hausse du salaire des médecins est une question de longue date. Il y a plus d’une année, un débat s’était déclaré sur les plateformes en ligne de Yaga au sujet du phénomène de l’exode des Médecins burundais. Si certains portent un regard politicien à ce fait et tentent de le justifier par «un manque de patriotisme», il y en a d’autres qui rationnalisent, considérant plutôt «des conditions de travail déplorables» pour les médecins, en l’occurrence un salaire de 470 milles francs burundais devenu presque insignifiant dans le contexte économique actuel.

Dans l’un des textes publiés sur le site web de Yaga, nous lisons ce commentaire : « Le salaire de tout médecin prestant au Burundi devrait être augmenté. Un médecin ne peut pas faire du business, car son métier ne le lui permet pas sinon la vie des patients pourrait en dépendre. Autre chose, le salaire devrait être adapté selon les conditions de vie et permettre au médecin de vivre en satisfaisant les besoins de sa famille. »

Si ce commentaire date de plus d’une année, les arrestations actuelles datent d’environ 10 jours. Faut-il donc emprisonner ceux qui réclament (leurs droits) ou envisager d’autres pistes de solutions ?

Une solution des moins anodines

Selon les données de la banque mondiale, le Burundi compte actuellement une moyenne de 0,07 médecins pour 1000 habitants. Un nombre de très loin inférieur au seuil d’au moins 1 médecin pour 1000 habitants, recommandé par l’OMS pour garantir un accès adéquat aux soins de santé.

Poursuivons le calcul. Jusqu’à juin 2023, 2.940 médecins étaient inscrits à l’ordre des médecins du Burundi. Ce nombre inclue ceux qui ne pratiquent plus dans le pays, sont décédés ou à la retraite. Ces chiffres donnent une idée de combien ces professionnels de la santé des Burundais restent une denrée rare, loin de satisfaire les besoins en soins de santé pour les millions que compte la population de ce pays. Cette revendication aurait donc pu être également une affaire de loi de l’offre et de la demande.

Grands maux, grands remèdes

La revendication de revalorisation salariale du travail des médecins est loin d’être un fait isolé. Elle s’inscrit bien dans un contexte de précarité économique qui mine bien des Burundais, depuis quelques années. Lequel contexte ne cesse de s’empirer avec la situation économique actuelle plus marquée par une inflation croissante constamment animée par des pénuries imparables des produits de base. Le médecin ne peut donc pas être en reste.

La sagesse burundaise avise que « umugabo yikora kuco afise » ou, pour les plus satiriques, « impene irisha aho iziritse » (« À défaut de grives, on mange des merles»).

Qui donc a eu l’idée de réserver un coup de muscle à une situation dorénavant imposée par des lois naturelles ? Dans tous les cas, l’emprisonnement des médecins est loin d’être une solution aux problèmes actuels. Encore moins, il est loin de s’inscrire dans le bien des citoyens lambda, eux qui ont besoin de leurs services en santé.

 

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