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Carnet de voyage : Cendajuru, kududura ou l’amour au pluriel ?

Des couples échangistes à Cendajuru, qui l’eût cru ! S’il est vrai que cette commune est un peu plus éloignée que les autres, ce n’est pas une raison pour la considérer comme le haut lieu de dépravation. La tentation de la chair a toujours existé, même à Jérusalem, la capitale de la foi. Jeter la pierre à Cendajuru ? Ce serait exagéré. Voici pourquoi. 

Aux confins de Cankuzo, plus à l’est du célèbre Muyaga, près de la frontière tanzanienne, en contre-bas de montagnes abruptes, se niche le chef-lieu de la commune Cendajuru. Les montagnes gigantesques qui entourent le chef-lieu donnent à Cendajuru l’air d’un paysage lunaire. C’est un spectacle époustouflant qui s’offre au visiteur pour le peu qu’il y prête attention. 

Avant d’y arriver, nous traversons Rugano et le site historique de Muyaga où se dresse la 1ère église catholique du Burundi, construite en 1898. Puis, nous longeons les collines de Kirarika, Nyamugari et Gaheko où nous laissons un nuage de poussière derrière nous. C’est aux environs de 11h que nous atteignons les abords de Cendajuru. La localité, d’une beauté insolente croule sous un soleil accablant, nichée au creux d’une plaine qui s’étend sur quelques km.  

Que diable, nous amène-t-il à Cendajuru ? Kududura. Un concept d’échangisme qui prévaudrait dans ce lieu, paraît-il. On raconte que les jours du marché ou le dimanche, il n’est pas rare que dans un couple, chacun aille de son côté avec un autre partenaire. Et le soir, les conjoints se retrouvent au foyer, comme si de rien d’était. C’est bien beau, tout ça, mais maintenant, il va falloir trouver des gens pour nous en parler. 

« Ce n’est pas à Cendajuru seulement »

Ce n’est pas facile de débarquer en parfait inconnu et de commencer à poser des questions à tout passant. On nous avait avertis avant le départ, si nous voulons parler aux gens du coin et espérer parler à beaucoup de monde, il faut y aller dimanche. Nous avons donc débarqué à Cendajuru un certain dimanche, le jour du marché. Après un tour non concluant, au marché pour essayer de trouver les gens à qui parler, nous avons squatté un bar, sait-on jamais, in vino veritas, comme on dit. Et la chance nous a souris. Deux dames qui passaient par là ont accepté de nous parler. 

Mariya Mabori, 40 ans, est originaire de la colline Nyagisovu. Sans trop tarder, nous y allons franco : « Kududura, ça vous dit quelque chose ? ». Mariya cache son sourire dans son pagne avant de répondre : « Emwe, aha mu gisagara nyene ivyaho ntivyoroshe. Uza wumva ngo we wifi, ngo we sheme, n’ibindi ariko vyose  bifise ico bisigura » (ici en ville, les choses ne sont pas si simple. Les gens hèlent les filles et les femmes avec les noms de tendresse ‘’wifi’’ et ‘’sheme’’ pour les amadouer. Tout cela a une explication, NDLR).

Selon cette femme, quelques rares couples peuvent se complaire dans une certaine liberté concernant les relations sexuelles. Mais généralement, dit-elle, ‘’Kududura’’ signifie adultère et cela ne concerne pas seulement la commune de Cendajuru.  

Nous avons abordé une autre femme qui portait un panier de haricots qu’elle allait vendre au marché de Cendajuru. Elle affirme que la pratique de ‘’Kududura’’ est à l’origine de nombreux troubles sociaux, « c’est une pratique qui érode la confiance des conjoints, et bonjour les querelles interminables »

‘’Kududura’’ n’est pas sans conséquences

Edith Ndayikeza, 21 ans, est aussi originaire de la colline Nyagisovu. Elle affirme que la pratique de ‘’Kududura’’ existe bel et bien dans la commune de Cendajuru, mais elle établit cependant une nuance. « Souvent, ce n’est pas une décision que les conjoints prennent de commun accord, d’aller voir ailleurs. Des fois, le mari va de son côté et entretient des relations extraconjugales sans informer sa femme. Les femmes peuvent aussi faire autant. » 

Pour cette jeune femme, c’est donc souvent une tare qui survient dans un couple, où un des conjoints ou les deux, décident d’aller voir ailleurs. Mais parfois, les deux peuvent le faire de commun accord. Cela étant dit, même si cette pratique est connue à Cendajuru, elle n’est sans conséquences, indique Edith. Et elle donne un exemple : « Mon oncle s’est laissé aller à la tentation. Il avait une femme et un enfant. Les choses sont allées de mal en pis quand il a commencé ‘’Kududura’’ une autre femme. Tout est allé de travers par après. Non seulement, il a abandonné sa famille, mais aussi, il a fini par se lasser de sa nouvelle conquête et l’a aussi abandonnée. Maintenant, il vit tout seul ». 

Un mal pour un bien ? Pas sûr !

Quand je me rendais à Cendajuru, le motard qui me transportait, s’est fortement étonné que je m’intéresse autant à cette affaire de ‘’Kududura’’. Pour lui, s’il y a des troubles sociaux, c’est parce que les femmes sont moins nombreuses que les hommes. « Il ne faut pas condamner ceux qui ont des relations sexuelles avec plus d’une seule personne. », estime-t-il.

Nous avons contacté l’administrateur de la commune Cendanjuru pour lui demander s’il était au courant de cette pratique de ‘’Kududura’’. Il a fallu lui expliquer ce terme parce qu’il ne le connaissait pas. Et de répondre : « Ntamwonga ubura isato iba idahizwe. Il peut y avoir des cas d’adultère comme il y en a dans d’autres communes, mais ces cas ont fortement diminué. Le dernier conflit de ce genre que j’ai reçu date de l’année derrière ». Cette autorité a aussi souligné le fait qu’elle donne des conseils chaque fois lors de ses descentes dans les communes, pour éviter les troubles sociaux liés à l’adultère. 

 

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Les commentaires récents (2)

  1. Kududura n’est pas de l’adultère au sens commun. C’est un type de débauche qui est toléré par les conjoints dans les communautés où il est pratiqué. Les jours de marché ou les dimanches le mari doit prendre sa femme pour lui acheter à boire. S’il ne le fait pas sa femme peut partir avec un autre homme qui lui achète la bière et peut même passer la nuit avec lui. Le lendemain elle rentre à la maison et le mari ne la chasse pas d’autant plus qu’il était lui aussi dans la même situation

  2. Cette pratique est beaucoup plus connue dans les licalités du Nord-Ouest (Cibitoke-Bubanza). Il parfait que c’est un phenomene plutot saisonier. Il atteint ses pics à la moisson de riz.