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Billet-retour : zig zag à travers la commune de Ntega

Beaucoup de gens pensent que le travail du journaliste est simple et se résume à tendre le micro ou prendre des notes sur un calepin et aller raconter ou écrire ce qui a été dit. C’est comme ça que certains en sont venus à penser qu’au Burundi, ce noble métier est devenu comme un dépotoir où les chômeurs viennent se réfugier en attendant mieux. Sauf que parfois l’accomplissement du devoir d’informer requiert de petits (ou grands) sacrifices. Ce blogueur nous plonge dans une sorte de ‘’behind the scene’’ d’une mission qu’il vient d’effectuer. 

Si vous pensez que Kirundo est loin, eh bien Ntega est encore plus loin…très loin, mais c’est un coin accueillant. Faire vivre à ses followers le quotidien des Burundais, ces héros non chantés, voilà une idée chère à la boîte pour laquelle je travaille présentement et dont je suis particulièrement fier. D’ailleurs, sa devise n’est autre que ‘’Un témoin, un récit’’. Tout est là et je ne vais pas vous faire perdre votre temps chers lecteurs, à vous bassiner avec des choses que vous connaissez déjà. 

Voilà donc qu’une fille de la localité ci-haut mentionnée subisse une injustice et que son cas fait tache d’huile sur les réseaux sociaux. Nous, comme nous n’aimons pas faire les choses à moitié, décidons de creuser un peu pour ne pas tomber dans la facilité et prendre le risque de colporter des ragots, déontologie exige. Le sort tombe sur moi, et me voilà embarqué dans une aventure que je n’imaginais pas aussi palpitante. 

J’embarque pour Ngozi où un fixeur m’attend de pied ferme. Sauf que quand j’arrive et que je lui dis que notre destination est Ntega, il hésite. Il hésite parce qu’il appartient au parti Cnl qui connaît quelques déboires pour le moment, Yaga vous en a parlé. Je devine qu’il a peur parce qu’il est connu à Ntega, et qu’il a peur de côtoyer les jeunes du parti au pouvoir qui sont nombreux là-bas, d’après ce qu’on m’a expliqué. 

Pris pour un capitaine de l’armée

Le scout ne s’avoue jamais vaincu, le journaliste aussi. Je parviens à me dégoter un autre guide qui lui n’a pas froid aux yeux. Entre-temps, cette déconvenue m’a coûté plusieurs heures sur le temps imparti à mon reportage. Je dois dormir à Ngozi alors que je comptais passer la nuit à Kirundo plus près de Ntega. De bonne heure, flanqué de mon nouveau fixeur, j’embarque pour Kirundo, et rapidement, nous trouvons un moyen de déplacement pour Ntega. 

‘’Off we go’’, je pars très confiant, malgré le retard qu’accuse déjà ma mission. Nous arrivons sains et saufs à Mugendo, mais il faut se creuser les méninges pour trouver notre source. Mon fixeur s’active et fait du bon boulot. La personne que nous cherchons est partie ramasser du bois de cuisson, elle ne saurait tarder, nous informe-t-on. Nous nous employons à tuer le temps. Nous nous glissons dans le quotidien des gens du coin, nous traînons dans un bar où il n’y a qu’une seule bouteille de Primus que nous sommes obligés de partager. Des gens très accueillants, mais très curieux me posent des questions surprenantes, du genre « None ko wambaye ikabutura kandi uvyibushe uri umubosi ? ». Une autre personne me prend pour un capitaine de l’armée qui a travaillé dans le coin et vient me demander d’intercéder en sa faveur pour que la police lui remette sa moto qu’elle a saisie. 

Une autre surprise attend ma petite personne : de par l’histoire que j’ai apprise à l’école, je savais qu’à Ntega et Marangara, il y a eu des massacres. La version simpliste de cette période tragique dit que les hutus ont massacré tous les tutsi et que Buyoya a envoyé l’armée pour massacrer tout hutu qui n’avait pas encore fui. Je pensais donc naïvement qu’on ne pouvait pas rencontrer un tutsi à Ntega. Quelle a été ma surprise en découvrant des tutsi marcher côte à côte avec les hutu !

Un malheur ne vient jamais seul

Trois heures plus tard, nous apprenons qu’en fait, ce n’est pas la fille que nous cherchons qui est allée ramasser du bois, mais sa mère. Mon fixeur se remet au boulot et décroche un rendez-vous deux heures plus tard. A ma grande consternation, la dame nous apprend qu’effectivement sa fille, qui était aussi élève, a eu maille à partir avec un de ses éducateurs et qu’elle a abandonnée l’école, et qu’elle s’est enrôlée dans l’armée par la suite. Je manque de m’étrangler en constant qu’on vient de perdre plus de 5 heures en explorant une fausse piste. Heureusement, la dame nous donne la bonne adresse de celle que nous cherchons.  Le temps de trouver un autre moyen de locomotion et nous prenons un nouveau départ. 

Nous nous pressons, juchés à deux, sans compter le conducteur, sur l’inévitable moto TVS. Nous traversons plusieurs marais de Ntega. Et comme le malheur ne vient jamais seul, nous arrivons au marais de Mpimbiguye où on est en train de construire un pont. C’est fini la mission !, me dis-je. C’est alors que mon intrépide fixeur prend les devants : « Est-ce que vous pouvez nous aider à traverser ? ». La voix de celui qui semble être le chef de chantier tombe comme un couperet : « Pas question, il faut attendre que le béton qu’on vient de couler sèche ». Derrière, je me fais tout petit. Attendre que le béton sèche ?! Je suis à deux doigts de tomber dans les pommes. Il est 15h30, Ntega se trouve à 37km… pas de Ngozi mais de Kirundo ! 

Poliment, le courageux fixeur dit au responsable du chantier qu’il n’y a aucun souci, nous attendrons. C’est sa sagesse qui nous a sauvés de ce cul-de-sac. Après 15 minutes d’attente où je supputais s’il faut ou pas rebrousser chemin, le monsieur du chantier annonce, un brin solennel : « Nasanze mwitonda », et il ordonne aux ouvriers de mettre en place un pont de fortune au-dessus du béton pour nous permettre de passer. C’est ainsi que nous traversons sans encombre les localités de Karehe et Carubambo où de gosses enthousiastes et très souriants nous lancent des « Rifiti !!! » ou encore « Shoferi ongereza igitensi »

Nous bifurquons vers Murungurire, et vers 16h45, nous arrivons enfin à destination. Une seule question trotte dans ma tête : si nous avons la chance de rencontrer notre source, allons-nous pouvoir rentrer ? Pour savoir la raison qui nous a poussés à entreprendre ce long périple qui nous a conduits au fin fond de Ntega et la suite du voyage, nous vous proposerons prochainement un papier-immersion. Affaire à suivre…

 

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