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Billet-retour : Mutoyi, ce bled charmant

Mutoyi n’est pas une race de poules comme cela est ancré dans l’imaginaire collectif de beaucoup de Burundais. Certes, cette volaille a contribué à la renommée de cette localité de la commune Bugendana, marquée par la présence d’une mission catholique des prêtres d’origine italienne, dont un sort du lot : Roberto Monti. Un blogueur y a récemment fait un détour. Voici ses impressions.

​« Rester, c’est exister. Voyager, c’est vivre », dit un adage français. Je suis devenu comme cet oiseau pèlerin rapide et qui ne ferme ses griffes sur une branche d’arbre pour se reposer que quand il ne peut pas faire autrement. Un jour n’est grand que quand j’ai la chance de découvrir une nouvelle contrée de mon pays. Mais que les choses soient claires. Je ne suis pas un de ces adeptes adhérant bêtement aux nouveaux tours de magie qu’on nous sort souvent du chapeau pour ‘’révéler’’ au reste du monde combien le Burundi est beau. Ici, je fais allusion au Visit Burundi, une pâle copie du Visit Rwanda, ou d’autres initiatives dont la crédibilité interroge. 

Cela étant dit, il m’importe de préciser que chaque fois que je découvre un endroit qui m’impressionne, je n’ai pas honte d’en parler. Parfois, je sors ma plume pour peindre l’endroit avec ce qui me reste des mots cohérents ou que j’estime comme tel. Maintenant que le décor est planté, je m’en vais vous conter ma dernière aventure. 

Alors que je trimbalais ma vieille carcasse dans le Kirimiro pour une raison que je ne vais pas citer ici (un peu de discrétion n’a jamais tué un blogueur), je me suis trouvé dans l’obligation de faire une excursion à Mutoyi. Inutile de vous dire qu’il faut s’armer d’un certain courage pour crapahuter le relief montagneux du coin juché sur une moto. On est en période de sécheresse, donc normal de se manger aussi quelques grammes de poussière, mais je dois dire que cela ne m’a que moyennement gêné. Après avoir « bravé » ces inconvénients mineurs, j’ai eu le plaisir découvrir Mutoyi pour la première fois. Niché au creux des montagnes abruptes de Bugendana, dans la province Gitega, Mutoyi ne manque pas de charme. Je vous épargne du récit ennuyant de mon acclimatation. Je passe directement à l’essentiel. 

Roberto Monti, un prêtre pas comme les autres

Au milieu de la localité de Mutoyi, trône l’église Catholique. C’est une grande bâtisse en dur. Sur la façade avant, une peinture artistique orne une grande partie  du mûr. Son style m’a rappelé les œuvres bizarres de Picasso avec son cubisme, un style dont je n’ai jamais réussi à cerner la beauté. Cette église est importante  car intimement liée à l’histoire de Mutoyi marquée depuis longtemps par la présence des prêtres italiens. Ceux-ci ont largement contribué au développement et à l’essor de Mutoyi. 

Parmi ces prêtres, un se démarque. Il s’agit du père Roberto Monti, très dévoué à la communauté de Mutoyi. Il paraît qu’il a débarqué au Burundi en 1971. Agé de 81 ans maintenant, il aurait demandé publiquement d’être enterré dans un ‘’Kirago’’ (une natte locale), pour dire qu’il ne compte pas quitter Mutoyi, même après sa mort. Ce n’est pas seulement ça qui est original avec ce prêtre. Il sied de signaler que Roberto Monti a reçu les remerciements du président de la République pour les bons et loyaux services rendus à communauté de Mutoyi. C’est ce même prêtre qui aurait essayé de se faire élire pour administrer la commune de Bugendana en 1993. 

Malgré son âge avancé, il paraît qu’il laboure encore lui-même ses champs parfois en compagnie des autres ou seul. Il fait cela 3 fois par semaine pendant 2 heures, m’ont raconté mes sources. J’ai essayé de m’entretenir directement avec lui pour en savoir plus sur ses motivations, les raisons qui l’ont maintenu à Mutoyi pendant tout ce temps. Mais on m’a fait savoir qu’il faut prendre rendez-vous et qu’il y a des jours qu’il destine aux audiences. En dehors de ces jours, impossible d’être accueilli. Comme mon temps de séjour à Mutoyi ne me le permettait pas, je suis parti main bredouille, mais je me suis juré de revenir le voir un jour.

Un coin tranquille et vivant

S’il vous arrive un jour de voyager à Mutoyi, défaites-vous de ces clichés de petits centres sans intérêts, ennuyeux où la vie va au ralenti, sans eau courante  ni électricité. Mutoyi est vivant. J’ai été très étonné de voir que la connexion internet marché très bien. On m’a fait remarquer que le pylône qui porte l’antenne de relais est plantée sur une colline surplombant Mutoyi dont j’ai oublié le nom. Au niveau de l’électricité, ça fait longtemps que ce centre est éclairé. Quant à l’eau courante, j’ai vu de mes yeux des robinets installés dans les enclos, ce qui n’est pas en soi un exploit. Ce qui est extraordinaire est qu’il n’y a pas de compteurs pour l’eau. Les gens de là-bas ne paient pas leur consommation en eau. « Ico kibazo cakemutse kera », a annoncé fièrement une personne du coin à qui je causais. Un autre fait étonnant pour un coin perdu : il y a pas moins de 3 agences de banque à Mutoyi : Interbank, CRDB et la COOPEC. Inutile de vous trimballer avec des liasses de billets encombrants si vous décidez de faire une virée à Mutoyi. Ne parlons pas des hôtels, ils sont en quantité plus que suffisante. 

La poule est reine 

J’ai profité de mon escapade pour visiter quelques familles de Mutoyi. La poule règne en maître là-bas. « Un agriculteur d’ici peut récolter 15 tonnes de maïs mais n’en vendre aucun kg. Parce que tout va à l’alimentation des poules », m’a expliqué un guide improvisé quand nous visitions un poulailler dans une famille du coin. Les poules de Mutoyi ont acquis une renommée dans tout le pays et Yaga a récemment fait une vidéo qui vous expliquait tout à propos de ces poules. Bizarrement, un ami avec qui on a fraternisé m’a offert un lapin à manger au lieu de m’offrir un poulet. Au retour de Mutoyi, une seule question m’est restée : pourquoi n’y a-t-il pas une route bitumée qui dessert Mutoyi ?

 

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