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BBN, une institution sous respirateur artificiel ?

Créé en 1992 pour promouvoir la normalisation, la métrologie, l’assurance qualité et les essais au Burundi — dans le but de soutenir l’économie, garantir la qualité des produits et protéger l’environnement — le Bureau burundais de normalisation (BBN) peine toujours à convaincre. Malgré sa mission, l’institution traîne une réputation de bad boy : inaction, inefficacité, et complicité passive face aux produits de qualité douteuse. Après trente-trois ans d’existence, peut-on encore espérer un réveil ?

Depuis quelques mois, les choses commencent à bouger. En mars 2025, le Kenya National Accreditation Services (KENAS) a validé le système de certification du BBN. Certains laboratoires sont enfin accrédités, avec le soutien de l’Union européenne via le programme MARKUP Burundi. Ça bouge enfin au BBN, pourrait-on penser. Mais avant de s’enflammer, prenez une grande inspiration. Parce que ce qui va suivre pourrait bien faire redescendre d’un cran votre optimisme.

C’est un début, oui. Mais restons calmes. Un audit, ça ne fait pas une révolution. Des machines, même flambant neuves, ne réparent pas une réputation cabossée. Parce qu’après ces quelques lueurs d’espoir, ces petits signes, un fait important est intervenu : le 1er mai 2025, le président de la République s’est offusqué des pratiques plus que nuisibles du BBN.

Une gifle méritée ?

Pendant la célébration de la journée dédiée au travail et aux travailleurs, alors que les visages rayonnants du PAEEJ récoltaient primes et éloges de la part du président Ndayishimiye, ceux du BBN, eux, gardaient profil bas. L’ambiance n’était pas à la fête. Et pour cause : le chef de l’État n’y est pas allé de main morte. Chantage, corruption, lourdeurs administratives… les accusations ont fusé, nettes et sans détour. Le numéro Un burundais semblait avoir pris le temps de se renseigner sur ce qui se passe à la BBN. Deux jeunes entrepreneurs. Deux projets prometteurs. Et un point commun : tous deux freinés net par un système censé les accompagner. Au lieu d’ouvrir des portes, le BBN semble les refermer.

Et ce n’est pas un cas isolé. La paperasse à rallonge, procédures floues, accompagnement quasi inexistant… assez de barrières pour freiner les entrepreneurs. Beaucoup abandonnent en cours de route. D’autres préfèrent passer à côté. Résultat : des produits non certifiés qui circulent sans souci, des talents étouffés avant même d’avoir pu décoller et une institution qui inspire plus de méfiance que de respect.

Le contraste est saisissant : d’un côté, une initiative comme le PAEEJ, soutenue, célébrée, encouragée. De l’autre, une structure publique qui, au lieu d’être un levier pour l’économie nationale, devient un obstacle pour ceux qui veulent créer, produire, innover.

Un budget « laitier »

Le BBN affiche un budget 2023-2024 de plus de 11,4 milliards de BIF. Une enveloppe censée soutenir la certification, l’équipement des laboratoires, la digitalisation et la promotion des normes. Mais un chiffre surprend : 7,92 milliards de BIF (page 25) pour l’achat de lait destiné à la désintoxication des laborantins. Oui, près de 70 % du budget total, pour… ce lait.

Erreur de frappe ou manœuvre douteuse ? Cette ligne budgétaire mérite des éclaircissements urgents. Car à ce niveau, c’est moins un budget qu’un scandale en fermentation. Un budget public doit être cohérent, transparent, crédible. Quand près de 8 milliards s’évaporent dans une ligne aussi improbable, le doute s’installe, et avec lui, la méfiance des citoyens. Et dire que ce rapport est sur le site du Sénat !

Le budget ? Il existe. Et il est conséquent. Quand on découvre qu’une ligne budgétaire prévoit 7,9 milliards pour du lait de désintoxication, soit près de 70 % de son budget annuel, on comprend vite que le vrai problème n’est pas l’argent, mais sa gestion. Sans vision claire, sans transparence, sans gestion rigoureuse, tout ce potentiel part en fumée — ou plutôt en lait.

Plus de sérieux s’il vous plait

Certes, la crise de 1993 a freiné bien des ambitions, y compris celles du BBN, tout juste né à l’époque. Mais on ne peut plus se permettre d’en faire une excuse permanente, comme le rappelle encore la page « À propos » de son site.

Si on veut un BBN qui joue pleinement son rôle, il faut repenser de fond en comble son fonctionnement. Le bricolage ne suffit plus. Il faut investir dans l’humain. Pas dans les effectifs pour faire joli sur papier, mais dans des compétences réelles, accessibles, capables de dialoguer avec les producteurs comme avec les industriels.

Il faut digitaliser sérieusement, simplifier l’accès. Il faut des comptes clairs, publics, lisibles. Des normes construites avec les acteurs concernés, adaptées à notre contexte, traduites, expliquées, appliquées. Et surtout, il faut mieux communiquer. Montrer que la qualité, ce n’est pas une exigence imposée, c’est une protection, une valeur ajoutée, une fierté.

Le nouveau DG hérite d’une institution avec une réputation à redorer. Le défi est de taille : réformer, gérer efficacement, et surtout redonner confiance. Le temps des promesses est fini. Il est désormais temps d’agir pour transformer le BBN en un véritable levier de développement.

Il est temps d’en faire un acteur-clé, pas un distributeur de tampons… ni un buveur de lait.

 

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