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Bata : la corruption, un mal pour un bien

Connu de tous les Bujumburiens comme le carrefour de l’informel, l’espace Bata, qui a hérité du nom de l’immeuble éponyme qui se trouve  à la jonction de la Chaussée Prince Louis Rwagasore et l’avenue de la mission, bénéficie depuis quelque temps d’un regard très inquisiteur de la part de l’administration. Pour le meilleur et pour le pire.

Mustapha (nom d’emprunt) répare les téléphones, les télévisions, les radios, etc., au centre-ville. Il loue une petite pièce à l’immeuble Bata. Il y travaille depuis quatre ans.

Mustapha témoigne que Bata abrite des activités multiples connues seulement de ses habitués : «C’est un endroit de destination des objets de fraude. Dans le sens inverse, ceux qui les cherchent savent qu’ils doivent diriger d’abord leurs pieds vers Bata. Celui-ci est en plus un marché de vente et d’achat des biens prohibés notamment la drogue».

Des téléphones, tablettes, chaînettes, etc., volés dans la capitale s’y retrouvent : «Surtout les lundis, les boîtes de nuit constituent notre approvisionnement pendant le week-end».   

D’après lui, Bata renforce aussi les liens entre ceux qui s’y côtoient. Quatre groupes de personnes y tiennent des activités en permanence.

«Des grossistes qui vont notamment à Dubaï et en Chine pour l’importation, des détaillants qui tiennent des compartiments de vente, des réparateurs et commissionnaires qui grouillent généralement à l’extérieur». Ce sont ces derniers qui font que Bata soit animé tel qu’il l’est à longueur des journées.   

Avant d’ajouter un cinquième groupe particulier : les policiers affectés dans les environs pour assurer la sécurité : «Quand bien même ils ne tiennent pas des affaires au Bata, ils sont directement liés aux activités qui s’y font. Ce sont eux qui maîtrisent les rouages de notre travail».    

Travail main dans la main

De son côté, Nestor (nom d’emprunt), commissionnaire (batasseur pour les initiés),  il confie que cette proximité finit par créer une sorte de coopération entre eux et policiers. Les commissionnaires étant ceux-là mêmes qui s’illustrent dans l’achat des objets de fraude, ils sont souvent pris pour des voleurs.

Des fois, ils se retrouvent en prison quand un achat tourne mal. «Nous n’y pouvons rien. Nous sommes obligés de composer alors  avec les policiers. Ce sont eux qui interviennent pour nous en faire sortir», souligne-t-il.

En échange, ces intermédiaires entre acheteurs et vendeurs leur donnent des pots-de-vin : «Après toute une journée sous un soleil de plomb, les agents de police rentrent épuisés  et assoiffés. C’est grâce à cette symbiose qu’ils parviennent à maintenir qu’ils étanchent leur soif le soir».  

Nestor indique que cette relation leur est beaucoup bénéfique : «Ce  sont nos protecteurs. Quand l’un d’entre nous est arrêté et incarcéré, il passe en prison juste le temps de leurrer le malheureux qui l’a fait arrêter. Souvent, c’est moins de trois jours».

Il soutient que nul, surtout les intermédiaires comme lui, ne pourrait exercer à Bata sans être en bons termes avec les policiers. Sinon, son travail ne fera pas long feu : «Il finira en prison et il n’aura pas quelqu’un pour intercéder en sa faveur». La corruption à Bata est alors comprise comme un mal pour un bien.

 


A relire : Le commerce ambulant : à quand la fin de la chasse aux sorcières ?

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Les commentaires récents (1)

  1. Vrement c’est exactement correcte, le gouvernement doit mettre quelque solution en marche pour ces bandits qui y frequentes