Trois des bières les plus populaires du Burundi ont mystérieusement disparu des points de vente. Où sont passées les Amstels Royale, Beer et Bock ? Pourtant, elles sont produites localement. Face au silence de l’entreprise Brarudi qui reste muette sur les causes exactes de cette pénurie, un blogueur est allé à la rencontre des détenteurs des bars qui ont encore des petites quantités de ces produits rares dans leur stock, histoire de savoir comment eux, ils s’approvisionnent. Récit.
21 juin 2025. Ce samedi après-midi, assoiffé et déterminé, je me lance dans une chasse au trésor urbaine. Mon but ? Dénicher une simple bouteille d’Amstel Royale, autrefois facile à trouver, aujourd’hui devenue très rare. Dans plusieurs bars de Bujumbura, la réponse fuse, désolante. « Désolé, monsieur, plus de Royale. Il ne reste que de l’Amstel Bright et du Primus ».
Alors que je m’apprête à partir, un serveur dans l’un des bars dont la gérante est une connaissance, m’aborde discrètement : « Monsieur, je peux vous en trouver une pour 20 000 Fbu ». Deux fois le prix normal. Stupéfait, j’insiste pour parler à la gérante. « Le serveur ne vous ment pas », confie-t-elle. « L’Amstel Bock et la Royale sont devenues des produits de luxe. Même s’ils sont produits localement, elle nous arrive dans les bars de façon importée, souvent du côté de la RDC », ajoute-t-elle. Une bière-touriste donc ? Pour me convaincre, elle me brandit une facture d’un dépôt de la RDC pour prouver ses dires. Devrait-on coller à la bouteille un sticker « Visit Congo » sur les bouteilles pour justifier son parcours ? La question me taraude en buvant ce « Royale frais » si chèrement acquis.
Une bière locale importée ? Le monde à l’envers !
22 juin 2025. C’est un dimanche. Pour vérifier cette histoire, cap sur Gatumba, à la frontière congolaise. Et là, miracle. Les Amstel Bock, Royale et Beer trônent en rayon comme si de rien n’était. Mais attention, le prix est aussi élevé que le mont Heha. L’Amstel Beer 65 cl et la Royale affichent 20 000 Fbu, tandis que la Bock et la Beer 50 cl se vendent à 15 000 Fbu.
Un serveur du coin me confirme la même histoire. « Ici, on a parfois plus de chances de trouver l’Amstel du Burundi venue du Congo que celle qui reste au pays. C’est comme si notre propre bière partait en voyage avant de revenir, comme un étudiant qui fait ses études à l’étranger ».
Le serveur me connecte même au grossiste congolais qui orchestre ce trafic. Il me fait savoir que les Amstels du Burundi sont exportés là-bas en grande quantité à cause de la guerre dans l’Est qui a entraîné la fermeture des brasseries de Bukavu, Uvira et Goma, engendrant une pénurie de la bière. « Ainsi, l’Amstel du Burundi devient l’apanage en traversant la frontière pour être vendue en RDC. Ça génère des devises. Sauf que, de l’autre côté de la frontière, nos frères Congolais en revendent encore au Burundi au prix élevé, ce qui fait grimper les prix au Burundi », avoue-t-il, sans complexe.
Le jeu de la devise contre le bon sens
L’explication économique est simple : les entreprises et le pays ont besoin de devises étrangères pour importer certaines matières premières et équipements. En vendant la bière à l’étranger, la Brarudi et le pays gagnent des dollars ou des euros, essentiels pour son fonctionnement.
Selon les chiffres du commerce transfrontalier, les exportations informelles portées à plus de 27 milliards de Fbu en 2018 étaient surtout dominées par les bières malt, Amstel et Primus à 29,4 %, et les autres boissons alcoolisées comme Karibu, Hozagara, Nezerwa et Ihuriro à 3,7 %. Dans tous ces échanges, la RDC est le premier partenaire à hauteur de 56 %. En plus, au quatrième trimestre 2023, plus de 3,6 % de la valeur des exportations formelles des produits locaux étaient dominés par les bières de Malt. 1,7 % de ces bières ont été réimportées à la même période en 2023. Jusque-là, rien d’anormal. Après tout, l’exportation est une bonne chose pour l’économie.
Source : Journal Iwacu.
Le hic, c’est que lorsque ces mêmes bouteilles reviennent au pays, gonflées par les taxes informelles, le consommateur burundais paie l’addition. Le Burundais lambda que je suis, déjà confronté aux pénuries, doit payer le prix fort pour déguster une bière qu’une entreprise locale fabrique.
À 17 heures, après avoir ingurgité quatre Amstels Royale d’un trait, histoire de faire des réserves, je rentre, le portefeuille vidé. En partant, le grossiste congolais me lance, mi-sérieux mi-ironique : « Dites à la Brarudi et aux décideurs qu’exporter, c’est bien, mais qu’il faut exporter le surplus et non la production nécessaire à la consommation interne ». À bon entendeur, salut !
On aurait aimé avoir les dévises issus de ce commerce vers nos voisins congolais. Mais bn….