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Déshabiller Guillaume pour habiller Gervais ne suffira pas

C’est la nouvelle sur toutes les lèvres. Ce septième jour du mois de septembre restera dans les annales de l’histoire burundaise. Tant pour le déchu, Alain Guillaume Bunyoni que pour nous autres gouvernés. 

Les choses sont allées un peu trop vite, mais certains avaient déjà annoncé la couleur. En effet, lors de l’habituelle prière du parti de l’aigle le dernier jeudi du mois, le pasteur Isidore Mbayahaga avait averti : « Nta gihemu na kimwe kizigera kirangiza neza » (aucun traitre ne finira bien ses jours, Ndlr.). Dans une prédication aux forts accents politiques, le pasteur, chouchou des réseaux sociaux, sera complété par le numéro un burundais : « (…) Grâce à Dieu, j’ai su qu’il y a des gens malveillants qui avaient préparé ce complot, j’ai même su le lieu de leur réunion et je me suis dépêché d’aller les voir. Et nous avons pu éventer la mèche », lit-on dans le verbatim du journal Iwacu

Lors de cette prière, Evariste Ndayishimiye annoncera « une série de destitutions à venir, qui signeront la rupture avec le laxisme dans la gouvernance. Les cadres corrompus et incompétents qui déshonorent le Burundi et le parti seront démis »

Et plus récemment, lors de l’ouverture de l’année judiciaire, dénonçant un complot, il est allé plus loin : « Qui peut menacer un Général de coup d’Etat ? Qui est-il ? Qu’il vienne m’affronter. Au nom de Dieu, je le vaincrai ». Les propos tenus par le chef de l’Etat étaient graves : une tentative de coup d’Etat ! Tout de suite, les commentaires ont fusé de partout et l’audio du président largement partagé.

L’action va-t-elle l’emporter (finalement) sur le verbe ? 

Lors de cette ouverture de l’année judiciaire, quand ces mises en garde sortaient sur la place publique depuis la capitale politique et inondaient les réseaux sociaux, beaucoup appelaient le président à précéder le verbe à l’action et à se servir de la constitution qui lui donne tous les moyens d’agir. Mais ce discours vient souligner un fait : s’il y a une chose à laquelle se serait démarqué le président Ndayishimiye des ses prédécesseurs, c’est donner instinctivement de l’espoir aux Burundais, en faisant preuve de connaitre toutes les magouilles de ceux qui ne l’accompagnent pas dans son septennat. 

Cependant, l’erreur dans cette pratique, c’est d’oublier que l’être humain se décourage plutôt facilement face à l’inaction. A ce stade, la communication présidentielle en a souffert. C’est voir combien une certaine opinion a perdu le fil dans la communication du président car bien des fois, les personnalités démises de leurs fonctions ont été nommées dans d’autres postes par le président lui-même. Dans une conférence publique, le bureau du porte-parole du président expliquait qu’« il agit comme un père de famille ».

Les plus pragmatiques avaient quant à eux avançaient que ce n’est pas le problème de la constitution mais qu’il s’agit en réalité de la façon dont le système est construit : « Le problème est que le pouvoir semble localisé ailleurs que dans les institutions reconnues et définies par la Constitution. Sinon, le Président n’aurait pas à se lamenter, il prendrait des mesures visant à réaliser sa vision politique », écrira cet internaute.

Surtout pas de « révolution de palais »

Ce 7 septembre donc, les dés viennent d’être jetés. Bunyoni vient d’être remplacé. Est-il ce puissant que dénonçait l’homme fort de Gitega ? La question reste posée. Toutefois, ce changement à la tête du gouvernement intervient dans un contexte de précarité de plus en plus criante du petit peuple. Ce peuple qui perd à vitesse grand V son pouvoir d’achat. Ce peuple qui manque cruellement de carburant, du ciment, du sucre. Ce peuple, qui, face à l’inflation qui va crescendo, voit les prix des produits de première nécessité s’envoler. « Au moins s’ils étaient disponibles et chers au lieu d’en manquer totalement », disent certains, épuisés. 

Les  événements de ce 7 septembre marqués par la convocation hic et nunc des deux chambres du parlement pour statuer sur la proposition d’un nouveau Premier ministre, qui prêtera serment plus tard dans la même journée, marqueront-ils un tournant ? 

Certes, démettre Bunyoni et installer Ndirakobuca est salué par l’opinion (du moins celle sur la toile), mais ceci ne devrait pas être une fin en soi mais plutôt un moyen de répondre aux besoins du peuple. Sans afficher un scepticisme qui peut trouver sa justification, et sans se poser en avocat du peuple, la « petite révolution » qui vient d’avoir lieu à intérêt à ne pas être celle de palais.

 

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