Le souhait de faire passer un pays très pauvre économiquement et fragile politiquement de la catégorie des pays pauvres à celle des pays d’abord émergents et ensuite développés requiert de grands projets. Sans négliger l’importance des préalables (la planification, le choix des secteurs stratégiques, etc.), il est séant de souligner que la conduite d’un pays vers l’émergence économique est conditionnée principalement par une forte croissance et une forte industrialisation en vue d’un décollage éventuel vers le développement. Analyse.
De prime abord, il est important de souligner que la croissance dépend du niveau d’investissements. Autrement dit, sans un décollage du taux d’investissement, l’émergence et le développement restent inatteignables.
De surcroît, il convient d’attirer l’attention sur le fait que c’est particulièrement l’investissement interne qui aboutit à de bons résultats dans le financement du développement. Ce n’est pas pour minimiser l’importance des Investissements directs étrangers (IDE). Ceux-ci viennent normalement en renfort à des investissements internes importants qui constituent en réalité dans les conditions normales le fondement des investissements. Par exemple, l’Éthiopie a réussi à attirer beaucoup de capitaux étrangers à partir des années 2000. Néanmoins, il reste pauvre, car en plus de la mauvaise gouvernance, la stratégie d’invitation des capitaux étrangers privilégiée par le pouvoir et la négligence des investissements locaux y sont notamment pour quelque chose. Le choix de cet exemple n’est pas du tout anodin car malgré les différences possibles (l’importance du marché éthiopien, – 2eme pays le plus peuplé de l’Afrique après le Nigeria-, l’insertion de son agriculture dans la mondialisation depuis une vingtaine d’années, etc.), l’économie éthiopienne reste essentiellement basée sur l’agriculture (plus de 80% de la population vit de ce secteur).
L’émergence avec une houe ?
En réalité, en plus de l’importance des investissements en termes de quantité, la question de la qualité des investissements devrait aussi attirer l’attention. Quels sont les secteurs dans lesquels il faut vraiment orienter les moyens en vue de tirer l’économie vers la forte croissance et l’industrialisation ? Il semble que les autorités du Burundi misent par exemple sur deux secteurs : l’agriculture et le secteur minier. Cependant, des études, ont-elles été faites pour examiner si vraiment ces deux domaines sont susceptibles de tirer les autres secteurs de l’économie en vue d’une émergence en 2040 et du développement vingt ans plus tard ? Dans le même ordre d’idées, dans quel type d’agriculture, vivrière essentiellement orientée vers le marché interne ou d’exportation pour les devises, devrait-on injecter des moyens colossaux ?
Quid de la place de la mécanisation ? En réalité, le passage d’une agriculture traditionnelle à une agriculture mécanisée s’avère un impératif pour l’émergence économique. Tant que les Burundais défrichent la terre avec la houe, le décollage économique reste un vœu pieux. Il sera impossible de produire à la fois pour la satisfaction du marché interne et pour l’exportation pourtant indispensable pour la production des richesses. Et en cas d’une mécanisation, que deviendront les nombreux agriculteurs qui seront dégagés dans la foulée par le secteur agricole, ceci devrait avoir à coup sûr des implications directes sur le plan social et économique. Etc.
Bref, certes le secteur agricole est capable de tirer l’économie d’un pays très rapidement vers l’industrialisation, mais il faut des investissements importants dirigés dans la mécanisation et la recherche. Autre chose qu’il faut garder en tête, en termes de l’émergence économique, le secteur agricole ne doit pas en réalité être séparé d’autres secteurs, car l’efficacité d’investissements dans la révolution agricole réside dans l’imbrication simultanée du secteur primaire avec d’autres secteurs. Il s’agit en fait d’une chaîne de fonctionnement et d’un enchevêtrement des domaines dont l’un conditionne et renforce l’autre. A titre d’illustration, le secteur secondaire transforme les produits agricoles et le secteur agricole fournit de la matière à l’industrialisation. Par conséquent, cette imbrication conduit mécaniquement à la création de beaucoup d’emplois et augmente la productivité du travail et influe indubitablement sur les rémunérations.
Nécessite de diversification de l’économie
Concernant le secteur minier, il peut contribuer à faire décoller une économie tout comme il peut nourrir et accentuer des conflits. Par exemple, dans un contexte de mauvaise gouvernance et de privatisation de l’État (corruption, népotisme, néo-patrimonialisme, exclusions, etc.), le risque est grand que ces ressources n’entraînent des violences (légitimes) qui concurrencent le monopole de la violence de l’État. Ainsi, qu’est-ce que les autorités burundaises prévoient de faire concrètement pour que le pays dont elles sont responsables ne puisse pas subir soit le syndrome hollandais – c’est-à-dire les conséquences éventuelles provoquées par l’augmentation des exportations importantes des ressources naturelles, il peut s’agir du désintéressement vis-à-vis d’autres secteurs qu’il convient d’éviter par la diversification de l’économie- soit la malédiction des ressources naturelles (resource curse) ?
Pour ce qui est de la question de financements, en particulier dans le contexte de faibles capacités de mobilisation des investissements internes, il faut dans un premier temps privilégier l’emprunt, quand la solvabilité ne constitue pas un obstacle, auprès des institutions financières internationales ou des bailleurs bilatéraux. Il faut aussi être actif dans le système international en vue de capter l’aide et les IDE dans l’optique d’augmenter la productivité qui doit avoir un effet positif sur les salaires et propulser pour ce faire à moyen terme une classe moyenne. En réalité, les épargnes de celle-ci pourront constituer une part importante des sources de financements par rapport à d’autres sources de financements qui deviennent secondaires.
Émergence sans la cohésion des élites ?
Il est important de rassembler le peuple par la construction d’une paix inclusive, seule paix positive, et la bonne gouvernance en vue d’instaurer l’adhésion interne et de doter le pays d’une crédibilité internationale. En réalité, l’émergence nécessite la cohésion des élites autour de ce projet et il en découle que lorsque cette condition n’est pas remplie, le décollage de l’économie d’un pays devient difficile. Tout compte fait, il faut encourager une éthiculturation dans la gestion de la République. En outre, il faut insuffler un changement profond dans la manière dont les Burundais conçoivent le pouvoir politique, la chose publique, etc. En principe, un mandataire public ne devrait pas voir midi à sa porte.
Last but not least, le chemin vers une émergence économique est parsemé de beaucoup d’embûches. Les trois schémas ci-après démontrent comment dans les États fragiles dotés des économies exsangues, comme le Burundi par exemple, le système économique est soumis à des forces mécaniques inextricables qui génèrent et accentuent la pauvreté. De surcroît, ils démontrent à quel point la conjoncture actuelle n’est pas favorable à la réalisation de grands projets à long terme.
What you write is exactly true prioritizing those two sectors agriculture and mining I think there’s no issue with that but in order to mordenize agriculture all Burundians have to seek for agricultural technics for those developed countries such as china . So the government should let those stakeholders to invest in agriculture in order to have a massive harvest the problem with Burundians is that we let poor people to cultivate instead of letting those who have big stakes to cultivate from my point of view I see that we have to exploit all the plains,all lands we have and modernize our agriculture technics by bringing those tractors , those helicopters for watering the fields as well we have to quit using hoes by using tractors
Je trouve votre commentaire et analyse pleins d’inquiétudes et de propositions assez riches par rapport à la vision 2040-2060. Je te souhaite d’aller de l’avant mon cher Égide dans tes initiatives combien louables d’intéressement à la vie de notre pays dans toutes ses dimensions.
En effet, passer de l’état d’émergence à celui du développement ne se décrète pas. C’est plutôt méritant.
Sachant le chemin que doit parcourir tout État-nation pour arriver à un stade de développement, cela demande des efforts assez consentis.
Pourtant, compte tenu de ce qui est en train d’être fait et mis en avant par nos autorités, il y a un grand risque que la fameuse vision 2040-2060 se transforme bcp plus en slogan qu’en résultats objectivement vérifiables.
A fortiori, ça fait une longue période que notre pays traverse les moments de la descente aux enfers et que le sous-développement durable ne cesse de se déchaîner au Burundi, jadis, pays de lait de miel selon l’appellation ……
Bref, il est impérieux de se poser un simple questionnement : qu’est-ce qui pourrait nous permettre d’espérer de voir demain ou après demain, le Burundi, pays développé, compte tenu du comportement politique de nos acteurs qui sont aux commandes aujourd’hui ???
Salut et bravo Égide !
Je réagis fort tardivement à cet article très intéressant et m’en excuse.
L’analyse est pertinente à bien des égards et je rejoins l’auteur quand il mentionne ce qu’il appelle « la cohésion des élites ». A mes yeux son absence ou même sa grande faiblesse est le raison profonde de la léthargie actuelle et générale du continent africain et de notre pays en particulier. Aussi longtemps qu’une culture de l’état de droit, comme du reste elle existait dans l’Afrique précoloniale en maints endroits, n’est pas installée dans le quotidien de la gestion de nos pays aucun décollage systémique et pérenne n’est à espérer. Nous continuerons à avancer dans certains secteurs favorisés par des faveurs, par la prévarication et la corruption. Mais le recul sera certains en d’autres domaines où les privilégiés du moment n’y ont pas – ou pas encore ! – la mainmise… Un réel développement est régi par le respect strict des lois et règlements. Il repose sur la transparence de la gestion de la chose publique. Nul n’est inquiété dans ses biens et dans ses actions par les tenants d’un quelconque pouvoir ; celui-ci est au service du citoyen, ce n’est pas le citoyen qui est à son service. Les fonctionnaires de l’état doivent être rétribués dignement afin de leur permettre de s’acquitter de leurs responsabilités sans détourner les biens de la nation ou des personnes sous leur autorité directe ou indirecte… La domination de tous les secteurs économiques des caciques des partis politiques au pouvoir est un handicap condamnant nos pays à rester pauvres, instables et fermés à toute ouverture éthique, culturelle et intellectuelle. Les pays sont condamnés au marasme économique et à une instabilité chronique.
Par cohésion, je n’entends nullement unanimisme; par cohésion je ne parle pas de ces politiques en apparence cohérentes et adoptées à partir de conférences internationales sans réflexions sui generis impliquant tous les segments de nos sociétés africaines si variées et si originales.
Ainsi le développement de la RDC ne peut prendre un chemin identique à celui du Burundi. Celui de la Namibie ne peut emprunter la même route que le Cameroun… Pourtant, des réflexions communes, des stratégies concertées débouchant sur des politiques harmonisées, complémentaires seraient les bienvenues.
Si pour des pays-continents et sous peuplés la mécanisation agricole est un passage obligé, rien n’indique que des pays-jardins comme le Rwanda, le Lesotho ou le Burundi ne pourraient pas garder la houe comme instrument de labour et s’atteler à développer des niches agricoles dans la culture bio et s’inscrire dans le haut de gamme agricole…
Ce qui, en fin de compte sauvera notre continent, notre pays c’est des élites à l’écoute des populations qu’elles dirigent, qui consultent les chercheurs, qui se concertent par-delà les clivages idéologiques, qui transcendent les frontières pour fraterniser entre les nations et les peuples, qui mettent les peurs et les haines de côté pour mettre la justice, le pardon, l’empathie et la compassion en avant…
Courage. Que la vision inspire les barundais
Monsieur,la vision du Burundi est souhait