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Vivre avec un handicap et faire l’université : voici mon combat

Si à l’école primaire et secondaire la question des élèves avec handicap a fait écho et commence à être prise en compte avec la mise en place des écoles pilotes ou de centre de référence en éducation inclusive, au niveau de l’enseignement supérieur c’est une autre histoire. Mais comment se débrouillent-ils ?

« C’est le sauve qui peut ! ». Cette réponse du Coordinateur de la Fédération des Associations des Personnes Handicapées du Burundi (FAPHB), Eugène Nsabayezu, résume bien la situation des personnes handicapées quant à l’accès à l’université. Il ajoute : « Ceux qui peuvent y accéder le font, soit par le concours de leurs familles, soit par des initiatives de bienfaiteurs avec arrangement avec certaines universités ou tout simplement ils se débrouillent comme ils peuvent ». 

C’est le cas d’Arsène Ninziza. Victime d’une maladie qui l’a plongé dans un coma pendant un mois, le natif de Ruyigi s’est réveillé avec une paralysie du côté gauche. Nous sommes en 2006 et il est encore à l’école primaire. Heureusement pour lui, ses facultés mentales ne sont pas altérées mais physiquement cela change presque tout, en plus d’une perte de la parole qui s’y ajoute. « Quand j’ai voulu reprendre l’école, quelqu’un de ma famille devait me transporter jusque dans la classe et revenir me récupérer par après », se souvient-il. A ce moment-là, il ne pouvait même pas prendre notes en classe, tellement écrire lui était difficile. C’est le cas encore aujourd’hui.

Petit à petit, il récupère sa parole et apprend à remarcher mais toujours difficilement. Mais avec le soutien de sa famille et du fait de son abnégation, il réussit à finir l’école secondaire. Mais comment va-t-il faire l’université avec son état et loin de sa famille ?

Une solidarité mal cadrée

À la fin de l’école secondaire, il est orienté à l’Université du Burundi. Et c’est là que la chance lui sourit car il apprend que l’université offre, dans le cadre de son accompagnement social, une aide aux personnes vivant avec un handicap. Il décroche alors une chambre à l’université et peut donc suivre ses cours sans problèmes majeurs de déplacement puisqu’il vit tout proche de la fac. Mais, dit-il, « nous n’avons pas grand soutien ». Ils se sont donc réunis dans l’Association des Leaders Universitaires pour la Promotion des Personnes Handicapées pour s’entraider. Arsène est parmi les « chanceux ». Il a un handicap physique, d’accessibilité, pas difficile, en principe, à cerner. 

Mais pour les personnes aveugles ou sourdes, c’est un double combat. A titre d’exemple, actuellement, il y a seulement 25 étudiants avec surdité dans différentes universités à Bujumbura. « Sans interprètes en langues des signes, ils sont condamnés à ne prendre que des notes, sans aucune explication de la part des professeurs, ce qui est un handicap majeur dans leur apprentissage », se désole l’Association Nationale des Sourds du Burundi. Quant aux personnes aveugles, certaines d’entre elles ont pu bénéficier d’une aide de la Fondation Uwiragiye qui est impliquée dans la promotion de l’éducation inclusive pour les enfants malvoyants et aveugles. 

Grâce à un partenariat avec l’Université Espoir d’Afrique, des enfants avec problèmes de vue ont pu accéder à une éducation leur adaptée moyennant l’implication des enseignants de la dite université. Ils en sont à quatre personnes aveugles à fréquenter l’enseignement supérieur actuellement.

Que faire ?

Si des étudiants de l’Université du Burundi et de l’Ecole Normale Supérieure bénéficiaient des formations en éducation spécialisée comme en langues des signes, le bénéfice serait plus pour l’enseignement secondaire où les lauréats de ces établissements iraient officier. « Mais c’est comme si rien n’est fait pour accueillir des enfants avec handicap qui terminent le secondaire et qui vont commencer l’université », se lamente Eugène Nsabayezu de la FAPHB, « en tout cas, rien de concret », dit-il.

Pour lui, il faudrait une politique claire de l’éducation inclusive dans l’enseignement supérieur au Burundi pour que ces enfants du pays bénéficient des mêmes droits comme les autres. Un protocole s’avère plus que nécessaire parce que parfois certains professeurs des universités ne sont même pas au courant de l’éducation spécialisée pour pouvoir enseigner en tenant compte des besoins spécifiques des personnes avec handicap. Et si besoin, faire un recours aux universités pilotes comme fut le cas pour les écoles et avoir des enseignants qui sont sensibles à la question du handicap.

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