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La vie à l’internat : la peur de la rentrée est vite oubliée

La note d’admission aux écoles à régime d’internat vient d’être annoncée par le ministre de l’Education. Voici quelques anecdotes pour rassurer les élèves qui vont bientôt rejoindre les différents internats. Réminiscence.

Le lycée de Rutana n’a pas une réputation d’une école d’excellence au niveau du pays. Mais elle est célèbre dans la province. Sur une petite montagne surplombant le quartier Birongozi, se voit les bâtiments du lycée Rutana. Nous sommes au chef-lieu de la province. Depuis l’école primaire, je rêvais de rejoindre ce noble lycée et je n’étais pas le seul. J’entendais parler d’« amateka » de ses enseignants, je voyais le respect que notre entourage vouait à ses ressortissants, et je me disais : « Un jour, ce sera moi ! »

Je me suis donné un mal de chien pour être orienté à cet internat. Malheureusement, j’ai joué de malchance en 6e année, je n’ai pas eu la note exigée. Mais je n’ai pas lâché, j’ai étudié avec assiduité afin de concrétiser mon rêve. En 2015, mon rêve s’est concrétisé, j’étais orienté au lycée de Rutana pour y faire le cycle supérieur. 

Des débuts timides

Timoré, mais avec un enthousiasme enivrant de vivre le quotidien du lycée, je débarquais dans les enceintes du lycée. A l’entrée, il est érigé un petit monument, construit en 2012 pour les 25 ans d’existence du lycée. « Discipline, travail assidu, excellence », les trois piliers qui font la devise du lycée, sont écrits sur ce monument. En véritable « Inyobe », le nom attribué aux nouveaux élèves venus des collèges communaux, ces lieux que nous appelions « muri kamunyaye », je n’ai même pas fait attention à ces écrits. 

Mais très vite, « Abakambwe »(les anciens) nous diront que c’est sur cette fameuse devise que se base l’identité particulière du lycée Rutana. D’ailleurs, c’est ce qui la différencie des autres établissements de la province. Dans les premiers jours, quand les anciens nous initiaient à l’éthique de l’école, un peu de bizutage pour nous accoutumer à l’endroit, ils nous demandaient de répéter cette devise. Une fois échoué, tout inyobe devait retourner à l’entrée pour la lire, la répéter et l’apprendre par cœur. 

« Même si l’école ne dispose pas de clôture, les frontières du lycée se trouvent dans vos cerveaux. », disaient le directeur et les encadreurs dès le premier rassemblement. Cependant, cela n’empêchait pas les amateurs d’ « urukanywa » d’aller chez Désiré (il avait un bar à quelques mètres de l’école), ou les fans du ballon rond d’aller regarder les matchs des championnats européens, sans oublier les amateurs d’ « agasobanuye » (les films traduits en kinyarwanda), dont je faisais partie.  

Les anecdotes du réfectoire ne manquent pas non plus. Des fois, les encadreurs punissaient ceux qui venaient cinq minutes après la sonnette. Les garçons qui ont la réputation d’être les Kings de « mw’irefe », mettaient en vigueur leurs propres lois : « Le retard de trois minutes au réfectoire est interdit surtout chez les filles et les nouveaux !» Quant aux nouveaux, ils n’avaient pas droit de « gupafura » au réfectoire.

Les sobriquets des enseignants…

C’est fréquent même ailleurs. Les enseignants du lycée Rutana, eux aussi portent des surnoms. Ce sont des sobriquets qui effraient les nouveaux élèves. Ici, je ne parle que des enseignants les plus emblématiques, dont certains de leurs sobriquets tirent les origines aux cours qu’ils dispensent. 

Commençant par Fachoda, un historien (Il n’est plus). Ce fervent historien, dans ses interrogations, il posait toujours une question sur l’incident diplomatique entre la France et le Royaume-Uni, et cela chaque année. 

Le prof de chimie avait un surnom qui était aux antipodes de ce qu’il était. On l’avait surnommé Joli, lui qui était costaud, robuste. Chaque nouveau élève de la section scientifique devait le connaitre avant même d’entrer en classe. Le francophone Négritude qui aimait beaucoup la littérature africaine. Oscar Ndayisaba alias wa kunangana, francophone aussi, qui marchait en sautant quand il donnait son cours, d’où est venu ce petit surnom. Le physicien donc-là qui ponctuait ses phrases par donc là… Ce scientifique, chaque année, demandait aux nouveaux élèves : « Vous venez de quel foret ? », car il considérait les collèges comme des forêts.

Les anciens nous disaient que réussir avec ces enseignants n’est pas facile. Bien sûr, au début, j’ai eu quelques difficultés, mais quelques jours après, je me suis retrouvé « nandika amateka ».  

Chers nouveaux élèves qui vous préparez pour votre première fois à l’internat, n’ayez pas peur ! Je sais que vous recevez des histoires qui vous effrayent, des noms enseignants méchants, des conditions difficiles de vie d’internat, etc. Mais vous allez vous acclimater, et faire vos propres exploits.

 

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