Il y a quelques jours, Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale a déploré qu’au centre-ville de Bujumbura, les commerçants ferment tôt leurs échoppes. Approchés, les concernés lui renvoient la balle.
« Allez voir les boutiques au centre-ville, à 17 heures, elles sont quasi toutes fermées. Ailleurs, dans les autres pays de l’EAC par exemple, à cette heure, c’est l’occasion idéale pour vendre. Mais au Burundi, comment est-ce qu’on va atteindre les objectifs en dormant ? », a dernièrement déclaré Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale. C’était le 25 octobre 2023, lors de la présentation du rapport de performance et d’exécution budgétaire pour le 2ème trimestre, exercice 2022-2023, par Audace Niyonzima, ministre des Finances.
Qu’en pensent les propriétaires de ces magasins, ces boutiques ? « Vaut mieux rentrer tôt que de s’exposer aux bandits. Nous aussi, on aimerait continuer à travailler, mais nous craignons pour notre sécurité », réagit Jean Bosco, un propriétaire d’un magasin sur l’une des avenues de Bujumbura.
Pour lui, il n’est pas encore temps que les magasins restent ouverts pendant la nuit. Et les raisons sont multiples. Jean Bosco évoque d’abord le problème de déplacement. « Il faut regarder vers 17h. Sur les différents parkings, les gens se bousculent pour faire la queue en attendant les bus. Et là, on peut y passer une heure, deux heures voire plus. Et autour de 20h, 20h 30, il n’y a presque plus de bus. »
Ce n’est pas tout. Jaki, tenancière d’un magasin d’habillement, ajoute le banditisme : « Savez-vous combien de gens se font dévaliser le soir ? Quand la nuit tombe, les bandits font irruption. Ils se pointent dans des endroits non éclairés et au moindre geste, ton téléphone, ton sac à main est arraché. Alors, vaut mieux rentrer tôt au lieu de s’exposer à ce genre de situation. »
Ce qui est révoltant, déplore-t-elle, cela se fait souvent non loin des policiers. Cette mère signale que même les forces de l’ordre poussent les gens à rentrer tôt : « Vers 17h, c’est l’alerte. On voit des policiers se positionner ici et là, comme si quelque chose allait se passer. Et les gens ont peur et se pressent de rentrer.»
Il faut bien plus que des déclarations
Pour Jaki, ce qu’a dit Gélase Ndabirabe, est une réalité. Néanmoins, cette vendeuse lui renvoie la balle : « Qu’est-ce que ces députés sont en train de faire pour que la sécurité des vendeurs, boutiquiers, … soient rassurés et qu’on puisse continuer à exercer sans crainte ? Ce sont eux qui votent des lois. Et pourquoi on voit toujours des badauds dans les rues ? Ce sont eux qui nous arrachent nos sacs à main, nos téléphones ? »
D’après elle, c’est difficile de continuer à travailler quand on sait qu’à un moment à l’autre, on va manquer de bus pour rentrer.
Une déclaration qui n’a pas laissé de marbre Joseph Ntibandetse, un autre commerçant du centre-ville de Bujumbura. « Nous dire que nous rentrons très tôt au lieu de travailler, c’est bien, mais, qu’est-ce qu’il propose pour que notre sécurité soit assurée ? Qu’est-ce qu’il recommande à ceux qui sont chargés d’éclairer les avenues, les boulevards ? C’est là que les bandits se cachent », énumère-t-il.
D’après lui, les Burundais ne sont pas des paresseux. « Au contraire, nous sommes des travailleurs à voir le climat dans lequel on travaille. Imaginez-vous un commerçant du centre-ville qui doit rentrer à Carama, Tenga, ou Nyabugete. Comment va-t-il faire pour avoir un bus à 21heures, ou à minuit s’il devait travailler jusqu’à cette heure ? Le secteur du transport est très chaotique, le désordre consacré. »
Notant qu’il a déjà voyagé dans certaines villes de l’EAC, il signale que dans d’autres villes, le transport est organisé : « Allez voir à Dar Es Salaam, des motos, des tuk-tuks travaillent presque 24h/24h et arrivent même au centre-ville. »
Il ajoute que même les routes sont éclairées. Et d’ailleurs, il estime que pour faire le travail comme le veut le président de l’Assemblée nationale, il faut qu’il y ait des clients. Et là, il pose certaines conditions : « Si Gélase Ndabirabe veut qu’on travaille 24h/24h, nous sommes prêts. Mais qu’il nous montre comment notre sécurité et celle de nos biens sera garantie, comment on va se déplacer et où on trouvera des clients dans ces heures avancées. Il faut que même les clients se sentent en sécurité, qu’ils ne se retrouvent pas face aux bandits, que la circulation se poursuive même dans ces heures avancées, etc. »
Il revient alors, glisse-t-il, aux députés de faire des recommandations claires au gouvernement, aux ministères concernés pour que le climat des affaires soit rassurant.
Ndabirabe none aho yabivuze yisunze iki?? Ubwo koko turi ibijuju kurugero rwuko tutabona situation tubayemwo??