Certains administratifs ont averti les propriétaires des terres inexploitées. Leurs propriétés pourraient être récupérées et données à ceux qui sont capables de les mettre en valeur. Le cas le plus récent est celui de Makamba. Cependant, des juristes indiquent que ces mesures ne se réfèrent à aucune loi.
Mme Françoise Ngozirazana, gouverneur de la province Makamba, a sommé, ce 30 mai 2023, à tous les propriétaires des terres de les exploiter d’ici le mois de juillet prochain. « Sinon, l’Etat va les récupérer pour les mettre en valeur », a-t-elle averti, assurant que cette mesure entre dans le cadre de l’augmentation de la production agro-pastorale.
Et cette autorité n’est pas la première. Il y a quelques jours, le maire de la ville de Bujumbura, Jimmy Hatungimana, a demandé aux citadins qui veulent investir dans le domaine agricole de se faire inscrire, avec la promesse de leur trouver des terres à exploiter à l’intérieur du pays.
Ce n’est pas tout. Il y a plus d’une année, le Chef de l’Etat est revenu sur cette question. Lui, il avait mis en avant le dialogue entre les propriétaires et ceux qui veulent exploiter ces terres. L’appel a été lancé, à Muyinga, le 2 mai 2022, lors de la célébration de la journée des travailleurs.
Et la loi dans tout ça ?
Pour les juristes, ces annonces et ces mesures ne sont pas convaincantes. Me Sébastien Ntahoturi, bâtonnier, indique que la Constitution et le Code foncier donnent le droit au propriétaire d’une propriété foncière de l’exploiter à sa guise. C’est ce qu’on appelle, dit-il, le droit de jouissance, d’usage et de disposition. « Mais, quand l’Etat veut y exercer un projet, il peut le récupérer via ce qu’on appelle expropriation pour cause d’utilité publique », reconnaît-il, précisant toutefois que le propriétaire doit avoir une indemnisation juste et équitable.
De son côté, Théoneste Ndayishimiye, enseignant chercheur à l’Université du Burundi à l’Institut d’administration et de cartographie foncière, trouve que ces mesures sont consécutives à la déclaration du Chef de l’Etat selon laquelle les terres non exploitées devraient être récupérées pour l’agriculture. Les administratifs relayent presque le même message.
Mais, du côté légal, il souligne qu’il n’y a pas de lois ni de textes sur cette question. Seulement, dans le Code de 1986, M. Ndayishimiye signale qu’il y avait des articles qui parlaient de réquisition et de confiscation des terres inexploitées. « Et des procédures étaient précises », se souvient-t-il, notant qu’il y avait d’abord la réquisition provisoire. « Mais, quand le propriétaire écrivait pour montrer qu’il était capable de mettre en valeur sa propriété, la terre lui était directement rétrocédée. »
En cas de confiscation, cet expert du domaine foncier explique que la terre revenait définitivement dans les terres domaniales. Dans le Code foncier de 2011, il constate que tous ces aspects, les procédures n’y figurent plus. « Le Code ne dit rien sur ça », regrette-t-il. Par ailleurs, explique-t-il, le Code de 1986 parlait de la mise en jachère et pas de la non-exploitation. « A mon avis, ce sont des déclarations, des mesures qui viennent des hautes structures de l’Etat mais au niveau de la loi, cela n’est mentionnée nulle part à moins qu’on révise certains textes, comme le Code foncier », se résume-t-il, soulignant néanmoins qu’une certaine opinion soutient cette idée.
Merci beaucoup pour tous ces éclaircissements.