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Sous-location des stands : « Où étaient l’OBR et la Mairie ? »

Depuis quelques jours, la question de sous-location des stands dans certains marchés de Bujumbura est sur toutes les lèvres. Et ce, depuis que des agents de l’Office Burundais de recettes (OBR) y ont effectué une descente pour enregistrer ceux qui vont payer les taxes et impôts. Certains locataires n’ont pas hésité à s’accaparer des stands de leurs ‘’patrons’’.

« C’est de la malhonnêteté, du vol en pleine journée. C’est injuste. Et on ne va pas se laisser faire. Dans tous les cas, d’une façon ou d’une autre, je vais récupérer mes stands. Je ne peux pas accepter que mes enfants meurent de faim. » C’est dans ces termes que B.L, un commerçant de Bujumbura, manifeste son mécontentement après que ses deux locataires ont osé se faire enregistrer à l’OBR comme propriétaires.  « Quelle infraction avons-nous commise en occupant ces stands ? Nous avons payé de l’argent et nous avons des documents attestant que nous avons reçu ces stands régulièrement. Et la Mairie était là. Pourquoi ils viennent aujourd’hui créer ce chaos ? », se lamente-t-il, en colère. 

Toujours sous le choc, B.L dit ne pas comprendre ce que vise la Mairie. « Oui, on nous dit que nous avons beaucoup de stands, que nous les avons fait louer. Est-ce une infraction ? Pourquoi ont-ils attendu des années pour nous dire que c’est interdit ? Nous n’avons jamais refusé de payer l’impôt ou taxes. Où étaient l’OBR et la Mairie quand il y avait des attributions de plus d’un stand à une personne ? »

Pour lui, si les locataires qui se sont approprié des stands ne les remettent pas, cela va créer des conflits : « Personne ne va pas accepter que son stand parte comme ça. Le mieux serait que l’OBR et la Mairie annulent ces enregistrements frauduleux et organisent une campagne d’enregistrement avec les vrais propriétaires. Et si on veut les récupérer, qu’on nous indemnise », plaide-t-il.

Même critique chez Didace, un commerçant de Ruvemera. Il rappelle d’abord que lors de la construction de ce marché, des commerçants ont contribué. « Pour une grande échoppe, on payait 700 mille BIF et pour les petits stands, on nous demandait 300 mille BIF. Et après, on te faisait signer un contrat de trois mois. Et comme ça, tu devenais propriétaire et on ne limitait pas le nombre d’échoppes qu’on pouvait avoir », détaille-t-il. 

Il signale d’ailleurs que les échoppes étaient faites en planches en bois.  « C’est après que nous avons nous-mêmes construit des échoppes en métal. Chaque propriétaire payait entre 900 mille BIF et 950 mille BIF. Et il n’y avait pas une obligation de travailler dans ces échoppes, on pouvait les faire louer et la Mairie était au courant », souligne-t-il, notant qu’une interdiction d’avoir plus d’une échoppe ne leur a été notifiée, ni par Mairie ni par OBR.  Et de se demander : « Pourquoi viennent-ils aujourd’hui créer le chaos, la haine entre les locataires et les propriétaires ? »  

Rappelons que le marché de Ruvumera a été réhabilité en 2008. Affirmant qu’il a pu sauvegarder ses trois échoppes, il déplore la malhonnêteté, la mauvaise foi de certains locataires qui n’ont pas hésité à dire que les stands leur appartiennent alors que c’est faux : « C’est vraiment inconcevable. Certains disaient que même le président de la République l’a dit. C’est sûr, tôt ou tard, ça va créer des conflits. Je pense que nos autorités devraient rectifier le tir. »

Elargir l’assiette fiscale : oui, mais comment ? 

Pour l’association des commerçants du Burundi (ACOBU), il faut penser à ceux qui ont investi dans la construction des échoppes. « Il y a des propriétaires qui ont construit ces stands eux-mêmes. Ils ont même contracté des crédits. Or, au marché de COTEBU, les services de l’OBR et la Mairie ont enregistré des personnes trouvées sur place alors que ce sont des locataires », commente Antoine Muzaneza, président de cette association, tout en soulignant que ce sont les propriétaires qui paient les taxes et impôts. 

Pour lui, il faut différencier les commerçants qui ont construit les stands eux-mêmes à ceux qui ont occupé les échoppes déjà construites. « C’est inadmissible de se retrouver sans stand alors que tu y as investi », tranche-t-il, notant que celui qui sera obligé d’abandonner un stand mérite une indemnité y relative. 

Du côté des économistes, ce qui a été fait dans les marchés Ruvumera, Cotebu, etc. a été le résultat de l’émotion : « D’abord, la mesure de revoir à la hausse les impôts et taxes a-t-elle été bien réfléchie ? Est-ce que ceux qui ont pris cette mesure, ont-ils pensé aux conséquences ? Ont-ils pensé qu’en voulant élargir l’assiette fiscale, ils risquaient de se retrouver sans assiette fiscale ? Trop d’impôts tuent l’impôt ! », analyse un économiste, professeur d’Universités. 

Sous couvert d’anonymat pour des raisons personnelles, il estime qu’avant de penser à revoir à la hausse les taxes, impôts, il fallait penser à annuler les exonérations des dignitaires. « Comment voulons-nous faire du Burundi un pays émergent alors que sa population continue de s’appauvrir ? »

Pour lui, le fait qu’il y a des locataires qui ont osé s’accaparer des stands qui ne leur appartiennent pas démontre combien les Burundais sont désespérés. « Ils posent des actions suicidaires, irréfléchies pour voir s’ils peuvent joindre les deux bouts du mois, nourrir leurs familles… Ils n’ont plus peur de voler, de mentir en pleine journée. »

Cet économiste trouve que si l’OBR et la Mairie avaient bien procédé, des tels cas ne se seraient produits : « Il suffisait d’annoncer dans les églises, les radios,… que des agents de l’OBR vont passer dans les marchés pour enregistrer les propriétaires, et tout le monde serait présent. Pourquoi ces surprises ? » 

Il dit ne pas comprendre pourquoi on accuse des personnes d’avoir plusieurs échoppes alors qu’elles les ont reçues légalement : « Où était la Mairie lorsque ces stands ont été occupés ? Quid de la continuité des institutions ? » 

Et de laisser un message aux autorités, et autres décideurs : « Si vous voulez, il faut refaire ce travail d’enregistrement et remettre ces échoppes aux vrais propriétaires. Sinon, attendez-vous à des règlements de compte. Et si on doit élargir l’assiette fiscale, pensez aussi aux privilèges de certaines autorités, aux exonérations, etc. Car tous les Burundais se rencontrent sur un même marché, et s’il faut combler le déficit budgétaire, tout Burundais devrait y participer en commençant par les plus privilégiés.»

 

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