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Serbie : le rêve et tombeau d’un jeune burundais

C’est une histoire triste. L’histoire d’un jeune homme ayant quitté sa famille pour rejoindre l’Eldorado européen et qui n’atteindra jamais la terre promise. Il y a de cela quelques semaines, à 26 ans seulement, O. N. a trouvé la mort sur les routes de la Serbie.

L’envie d’aller voir ailleurs, de trouver une meilleure vie qu’au Burundi est un rêve que de nombreux Burundais nourrissent au plus profond d’eux. La moindre occasion qui s’offre pour quitter le Pays du lait et du miel, est vite saisie. D’autant plus que les Burundais sont depuis 2018 exemptés de visa en Serbie. 

O.N est parmi ces nombreux Burundais (jeunes, mariés, célibataires,…) qui sont pris par ce rêve serbe. Mais, il s’est avéré que ce pays, membre de l’ex-Yougoslavie, sert de passage vers les autres pays de l’Union européenne tels que l’Italie, l’Allemagne et la Belgique. Beaucoup de ressortissants burundais y font une escale, avant d’entamer un long périple, souvent à pied vers d’autres destinations du vieux continent. C’est pendant cette traversée que le jeune burundais a trouvé la mort. 

La genèse

Tout commence par un tweet : « RIP aux deux jeunes #Burundi-ais qui ont perdu la vie en train de « traverser  » pour arriver en Europe. Le prix à payer, pour vivre dans les « meilleures conditions » de vie, est cher! » #Serbie ». L’envie de connaître l’identité de ces pauvres jeunes et surtout la vérité sur leur disparition, m’a saisie. 

J’entame un long et pénible travail d’investigation. Des coups d’appels ici et là, de longs moments d’attente, sans parler des nombreuses rumeurs auxquelles je dois faire face…Je finis par trouver l’identité de l’un de ces jeunes burundais. Ou du moins, son prénom. Je continue. « Il est adventiste » selon une de mes sources. Une piste importante. Je me rappelle qu’à l’école secondaire, j’ai eu à fréquenter des amis qui sont des Adventistes du Septième jour. Un appel à l’un d’eux. Il s’avère qu’il était dans la même chorale que le défunt.

« Il s’appelle O. N. Il chantait du gospel. », me fait savoir son acolyte de la chorale. « Je t’envoie ses vidéos ». Je découvre un jeune homme aux traits joyeux, des pommettes saillantes, une mâchoire un peu carré, un regard perçant et un sourire qui pourrait faire chavirer les cœurs des jeunes dames. Dans ses chansons, il chante avec passion. On le voit les yeux souvent fermés tel un mystique en communion avec l’au-delà. Mais, une question très importante reste sans réponse : comment a-t-il rendu l’âme ? 

« Nous avons tout fait pour l’envoyer en Serbie (…) »

J’ai pu entrer en contact avec le frère d’O.N grâce à un proche de la famille. C’est une démarche délicate d’approcher une personne ayant perdu un proche, un membre de sa famille, son fils, son frère, etc. L’empathie doit rester de rigueur.

C.I. est le grand frère d’O.N. Vers 9 heures du matin, il m’accueille dans son studio de production situé sur la célèbre 3e avenue de la zone Bwiza en Mairie de Bujumbura. J’y trouve des jeunes en train d’enregistrer de futurs morceaux. Gentil, accueillant, il demande aux 3 jeunes hommes dans le studio de nous laisser. Je me présente, prends un carnet et un stylo et je lui prête attentivement l’oreille.

« Avant qu’il ne quitte le Burundi, il y a de cela deux mois, il vivait chez moi. Il étudiait à l’East Africa Star University situé en plein centre-ville de Bujumbura en deuxième année. Il étudiait la Nutrition. Nous avons un cousin qui est déjà parti en Serbie et qui, ensuite, a pris les routes de l’Allemagne. Il nous a demandés s’il était possible qu’on envoie notre frère là-bas parce que selon lui, la vie est bien meilleure qu’ici. La famille s’est réunie. Nous avons tout fait pour l’envoyer en Serbie. Les moyens trouvés, nous l’avons envoyé », confie C.I.

 Il continue : « Arrivé en Serbie, il m’a téléphoné pour me faire savoir qu’il allait continuer ailleurs, en Allemagne, plus précisément, mais, que le voyage allait durer six jours. Et pendant ces six jours, à cause du trajet, il sera difficile de trouver le réseau pour continuer à communiquer. Il m’a promis de m’écrire dès qu’il sera arrivé. C’est la dernière fois que l’on s’est parlé… ».

Faire le deuil et avancer malgré tout…

C.I apprendra la disparition de son petit frère le lundi alors que ce dernier a rendu l’âme vendredi dernier. « Je l’ai appris auprès des autres personnes. Je ne l’ai pas dit immédiatement à la famille. J’ai voulu le savoir par moi-même. J’ai parlé avec quelqu’un qui était avec lui, et il m’a dit que mon petit frère est mort noyé. Ils étaient sept Burundais à avoir été emportés par le courant, mon petit frère inclus. Six ont survécu. Mon petit frère n’a pas pu. Et son cadavre n’a pas été retrouvé. Après avoir appris cette nouvelle, nous avons décidé de faire le deuil… ». 

Aujourd’hui, plus de deux semaines après, la famille du défunt a fait le deuil de leur fils, à qui ils n’ont pas eu l’occasion de dire au revoir. Sur la chaîne YouTube du studio, deux vidéos témoignent de la douleur de cette famille imbue de protestantisme et de la foi chrétienne : elle a décidé de garder la mémoire de leur fils bien-aimé. Il y a quelques jours, une chanson posthume, « Isengesho », du défunt et de sa sœur est sortie. L’espace réservé aux commentaires est rempli de messages de tristesse.  

 

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Les commentaires récents (18)

  1. We will all die.none will escape from death.the question is the following:where do we go after dying? Whatever conditions, there is a promise and nothing we can do inorder to prevent such a promise from happening.all will be fulfilled.Let us get ready to stand before the judgement of God.May his soul rest in peace.

  2. Fatou Diome l’a bien dit: « Où qu’on aille il y aura des chats et loups, ce n’est pas une question des frontières »……
    Nibagume mugihugu cabibarutse vyose birahari!

  3. C’est choquant mais la vie est construite ainsi. J’ai appris cette triste nouvelle car je suis de la mm église que le défunt mais à tout cela il faut avoir l’espoir de lui retrouver dans la matinée de la résurrection!!!!

  4. La tristesse me rempli l’esprit en lisant ce calvaire des burundais en quête des vertes pâtures ailleurs.
    Ce qui fait mal c’est que nos jeunes suivent la routes question les enclaves ont empruntées enchaînés, involontairement.
    Mais aujourd’hui, nos jeunes, les femmes, des couples, des maris tous paient pour des calvaires dont la fin reste inconnue.

    Pourquoi? Pourquoi les Burundi ne dit rien sur ces mésaventures? Qui sont ces personnes? Au moment où des images montrent des richesses extravagantes de certains individus; au moment où le pays enregistre sans le montrer des nouveaux riches qui qui n’ont pas d’éducation, pas d’emploi, pas de business,.. sont-ils tous des héritiers? Et pourquoi donc cette disparité? Who is who dans cette histoire? Malgré de tristes incidents comme celle-ci, pourquoi le Burundi continue-ils de laisser ses enfants s’exiler? Qui est le gagnant? Qui est le perdant? Encore une foi, l’Afrique se vide de son future. Quelle tristesse.

    1. Ndahojeje nanj umuryango wavuze, mubuzima Niko bigenda umuntu apfa ariko ararondera ubuzima ahapfiriye hose yicwa nokurondera ubuzima nahonyene yoba ari muburundi.