article comment count is: 0

Belgrade à tout prix

Abandonner son business, rompre ses études, se mettre sa famille à dos, les sacrifices que consentent les candidats en partance pour la Serbie sont énormes. Le coût du voyage et les frais accessoires ne sont pas à la portée de tous. Entraide, investir tout son patrimoine ou presque dans le voyage, aucune option n’est laissée de côté pour y arriver. Témoignages de ceux qui sont partis. 

C’est en mars 2021 que Raoul* et deux de ses amis décident de quitter le Burundi, destination la Serbie. Les trois amis sont dans la vingtaine. « Nous avons décidé de rompre nos études universitaires pour tenter notre chance ». Le jeune homme reconnait tout de même que « la Serbie est juste un tremplin vers les pays de l’Europe de l’Ouest. Ils restent pour se faire des économies qui assureront la suite du voyage. On appelle ça le ‘game’ ».

Le réseau est bien ficelé. Pour passer à travers les mailles des formalités où aucune bévue n’est autorisée au risque de voir son voyage annulé, des gens plus expérimentés se chargent de quelques services. Une commission doit leur revenir, bien entendu. 

Ce sont ces « commissionnaires » qui se chargent de tout ce qui est accueil en Serbie. « Bien que nous voyageons sans visa, il faut se déclarer touriste quand on vous demande l’objet de votre voyage. Il faut également présenter les papiers d’un hôtel en Serbie attestant que vous avez réservé à l’avance », explique Christa, une jeune fille qui tenait une échoppe au marché de Jabe avant de se lancer dans cette aventure. 

La réservation de cet hôtel est un sésame. « Il remplace les invitations pour ceux qui voyagent pour des conférences par exemple. Il faut une réservation de cinq à six jours », précise Raoul. C’est cette réservation qui constitue le gros du travail des « commissionnaires ». « Les prix varient selon les personnes avec qui vous ‘’dealez’’. Moi par exemple, je lui ai envoyé l’équivalent de 5 millions de Fbu. C’est un ami. Il ne m’a pas demandé de commission. Pour les autres, cela peut aller jusque dans les 6millions. Ces frais s’ajoutent au ticket qui varie entre 3 et 4millions.», renchérit le jeune homme.

Peu importent les moyens

Le voyage est onéreux. Difficile d’agir en solitaire. Pour les jeunes qui empruntent cette voie, c’est souvent la famille et les amis qui se cotisent pour payer les frais. « Etudiant en Bac 2, sans job étudiant pour me faire quelques économies, je ne pouvais pas me permettre ce périple. Je connais des familles qui ont presque tout vendu pour venir», avoue Raoul qui se préparait à quitter la Serbie pour passer en Slovénie au moment où nous lui avons parlé. 

Tous carburent au même idéal : une vie meilleure en occident. « Au fond, c’est le désespoir. Au vu des économies que nous mobilisons, nous pourrions les investir dans des affaires au pays. Mais le désespoir nous gagne et, en fin de compte ‘’ni yaleyale’’ [ça revient au même Ndlr] », tranche Inès*, colocataire de Christa. 

Elle sait de quoi elle parle. Cette ancienne détentrice d’un secrétariat public à Bujumbura et mère d’un petit garçon de 5ans ne pouvait pas avoir la somme requise dans un laps de temps. « J’avais moins de la moitié et ma famille n’était pas du tout d’accord que je parte. Ils ne pouvaient donc pas m’aider. J’ai dû brader deux ordinateurs et une imprimante et j’ai ajouté ce que j’en ai reçu à une cagnotte que j’avais mobilisée auprès des amis proches. C’est avec un sentiment mitigé que je suis partie. Laisser mon fils chez ma sœur qui a également repris mon secrétariat ne m’a pas été facile. Mais bon, c’est la vie, de toutes les façons, on se retrouvera », espère celle qui a quitté Bujumbura avec l’idée de poser ses valises en Allemagne.

S’estimant « chanceux par rapport aux autres qui viennent en Serbie en affrontant la mer avec des embarcations de fortune  et des longues semaines de marche », ces Burundais ont consenti à tous les sacrifices pour partir. Ils reconnaissent toutefois que c’est une entreprise qui demande une bien bonne dose de patience.

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion