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L’Eldorado serbe : ses entourloupes, ses arnaques et ses margoulins

Comme la Zambie pour les jeunes du Sud du pays, la Serbie est devenue the place to be pour beaucoup de Burundais, citadins pour la plupart. Et ils sont prêts à mettre la main à la poche, à la grande satisfaction des commissionnaires. Retour sur les dessous de cette vague migratoire qui ne fait pas que des heureux.

Lorsqu’il répondait aux questions des députés, Albert Shingiro ne cessait pas de répéter: « Jusqu’à aujourd’hui, tout est bien pour les Burundais qui voyagent en Serbie. Et s’ils y trouvent du travail, c’est de la cerise sur le gâteau. Comme ça, ils  vont pouvoir envoyer quelques euros ou dollars à leurs familles ». Pour lui donc, tout va bien. « Nous sommes d’ailleurs entrain de chercher d’autres partenaires pour la signature de tels accords d’exemption de visa ».  Prometteur, vous vous dites ? Je n’ai pas envie de vous empêcher d’y croire. 

Le ministre n’est peut-être pas au courant de l’autre face de l’idylle, les députés aussi, vu qu’ils n’ont pas soulevé la question. Mais la réalité est qu’il y a des Burundais qui se font subtiliser leurs maigres économies par leurs compatriotes ou par des étrangers qui leur promettent de faciliter leur déplacement au pays d’Aleksandar Vučić

Mesdames messieurs, ils vous volent

Février 2021. Ça faisait quelques mois que N.A de la commune Muha était  devenu chômeur. C’était après avoir décroché son diplôme de bac. Le boulot ? Même pas dans ses rêves ! Introuvable. Sa vie est faite de grasses matinées, de quelques sauts en ville, et puis de longues soirées solitaires à la maison. 

Jusqu’à ce qu’il rencontre le messie, un ami à lui. Ce dernier, il lui parle pour la première fois de la Serbie, des facilités de s’y rendre, de la possibilité d’aller voir où l’herbe pourrait être verte. Le deal est prometteur. Le jeune homme n’a rien à perdre au Burundi, puisqu’il n’a rien. Il se laisse vite convaincre. La décision est prise. Ne reste plus qu’à préparer le voyage. 

Et les ‘’commissionnaires’’ s’invitent

Ce jour-là, « Je venais d’avoir mon passeport. Les préparatifs marchaient à merveille quand mon ami me parle d’un intermédiaire basé à Belgrade qui doit nous accueillir et qui doit préparer le terrain. Tu sais, il faut 5 millions de Fbu pour l’homme de contact. Comme ça, il va s’assurer qu’on arrive sans difficulté », dira son ami.

5 millions de Fbu pour un chômeur endurci,  c’est un pognon qui n’est pas si facile à collecter. Mais le jeu en vaut la chandelle. Il se met à chercher partout et il parvient à réunir la somme qu’il envoie aussitôt au contact, ou plutôt au « commissionnaire » sans hésiter. 

5 millions de Fbu auxquels il faut ajouter les frais de voyage, le billet d’avion qui avoisine les 4 millions de Fbu. Vous avez vite compris que le rêve serbe a coûté autour de 10 millions de Fbu à notre ami. 

Le rêve serbe coûte trop cher 

« Pour un pays qui n’exige pas de visa aux Burundais, débourser 10 millions de Fbu est tout simplement exagéré », regrette une Burundaise arrivée à Belgrade en 2014 pour ses études. Et d’ajouter : « Vous savez, ils (les commissionnaires) te font croire que c’est pour des papiers (visa, hôtels, invitation) alors qu’en réalité, ça ne se passe pas exactement comme ça. La seule chose dont tu as besoin pour entrer ici, c’est une réservation de l’hôtel (que tu peux faire sur Internet) et l’objet de ta visite (touristique pour la plupart) ». 

Mais malheureusement, regrette T.N tenancier d’une agence de voyage à Bujumbura, « A côté du ticket de voyage et de l’argent de poche, ils sont beaucoup de nos compatriotes à débourser entre 700 et 2000 dollars, et même plus pour les commissionnaires (dont certains basés à Bujumbura) censés faciliter leur déplacement ».

Des cas d’escroquerie sont malheureusement légion dans cette affaire. L.N de Mukaza l’apprendra à ses dépens.  Il s’est vu dépossédé de ses 600 dollars par un intermédiaire basé à Belgrade: « On en était à nos premiers contacts. Il m’a dit de lui envoyer l’argent pour qu’il me prépare le terrain. Je me suis exécuté. Après le transfert, le margoulin n’a plus donné signe de vie. J’ai vite compris que je venais d’être arnaqué. Depuis, je ne veux plus entendre parler de ce pays ».

Faites gaffe

Vous êtes avertis. Voyager en Serbie ne devrait pas coûter la fortune que la plupart des gens déboursent aujourd’hui. Ils sont nombreux les gens (basés au Burundi ou en Serbie) qui ont fait de votre vôtre rêve de partir en occident, un business. Faites gaffe avant de débourser le moindre centime. 

Lors de notre enquête, nous ne sommes pas parvenus à remonter le réseau qui trempe dans ce business, car nos sources se sont défilées, une à une. Mais, il est évident qu’il y a des gens basés à Bujumbura qui travaillent de connivence avec d’autres basés en Serbie pour soutirer de l’argent à nos compatriotes candidats au départ. Selon certaines informations, les Burundais sont devenus la 3ème grande communauté de réfugiés en Serbie derrière les Afghans et les Syriens. D’où la nécessité de réglementer tout ça, comme l’envisage le ministre Shingiro. Peut-être que c’est cela qui pourrait éviter à nos compatriotes de se faire déplumer. 

 

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