Si l’administration mandataire belge n’a pas connu la « rébellion autochtone » pendant les premières années de son installation au Burundi, les débuts des années 1920, avec le déclenchement des contestations armées, viendront comme pour marquer un tournant. Retour sur la « rébellion » enclenchée par celui qui est connu sous les surnoms Runyota-Kanyarufunzo.
Il a raison Vittorio Latterni quand il écrit que « la situation sociale, politique et culturelle résultant du heurt entre les communautés indigènes et les blancs devait, à un certain moment, provoquer des révoltes de grande envergure ». Les révoltes qui auront lieu au Burundi sont là pour lui donner raison justement. Ces révoltes, nous dit l’Historien Emile Mworoha, souvent localisées dans des régions contrôlées administrativement par des chefs mis en place par la colonisation et mal acceptés par la population, gagnent rapidement du terrain. Comme celle menée par un certain Runyota Kanyarufunzo.
En effet, vers 1922, mi-mai, un mouvement insurrectionnel éclate dans les régions centre et nord-est du pays (Gitega, Muyinga…). La signature de l’insurrection, comme on vient de l’évoquer, revient au nommé Ntirwihisha, plus connu sous les surnoms de Runyota et Kanyarufunzo. Né à Kagombe dans le territoire de Kitega, l’homme au supposé pouvoir magico-religieux préconisait la suppression de l’impôt. Qualifié de petit être aux cheveux sales et touffus et habillé en peau d’antilope, il interdisait le port de nouvelles étoffes importées, écrit de son côté Joseph Gahama.
Celui qui annoncera l’avènement du nouveau roi Ntare et qui promettra de rétablir en droit ceux qui se sont vu dépouillés de leurs biens s’attaquera d’abord aux Baganwa et Batware qu’il accuse de collaborer avec les Blancs. Un témoin oculaire cité par Gahama affirme que Runyota brûlera en moins de deux mois huit enclos des autorités coutumières. Et pour gagner la sympathie de la population locale, il ne s’empêchera pas de distribuer gratuitement la viande du bétail razzié sur son passage. Encore qu’il bénéficiera de la complicité de quelques petits chefs Batare dont l’autorité avait été amoindrie sous le puissant prince Ntarugera.
Une révolte non sans raisons
La géographie de la révolte d’abord. Comme l’écrit Gahama, en 1922, le terrain de la révolte semble être favorable. Car, après s’être taillé une immense chefferie au Kirimiro et au Bweru aux dépens de chefs Batare, Ntarugera, fils de Mwezi Gisabo et grand régent meurt en 1921. De quoi nourrir l’espoir des chefs Batare de reprendre leurs terres grâce à la nouvelle ère inaugurée par Runyota.
Ceci, parce que les successeurs de Ntarugera, ses fils, n’imposent pas l’autorité que s’était forgée leur père. Résultat, à la suite de la mort cet influent prince, la région vit une situation politiquer confuse, à même de favoriser les révoltes.
L’économie ensuite. À l’époque, le tableau économique n’était pas des moins sombres. Une peste bovine venait de décimer le bétail, particulièrement abondant sur les hauteurs de Gihinga c’inka (en territoire de Kitega). Et l’impôt de capitation pesait lourdement sur la paysannerie de cette région.
Enfin, l’aspect « religion ». Du point de vue religieux, une bataille de grande envergure contre les obstacles au christianisme fut menée par l’administration mandataire, emmenant dans son sillage une chasse aux sorciers. Ce qui devrait à coup sûr concerner Runyota-Kanyarufunzo. Et il le fera savoir.
Répression
C’est aussi Gahama qui l’écrit. Dans un premier temps, la révolte est sous-estimée. Le gouvernement mandataire pense aux troubles passagers provoqués par quelques mécontents. Il avait tout faux. L’administrateur de Kitega, un certain Péquet, se rendant sur place, sera reçu à coup de lances et obligé de se replier. Un peu comme pour lui montrer que ça ne badinait pas, la révolte. La suite, la résistance et/ou la répression s’organise pour prendre fin en juillet 1922.
Cette répression, elle fut entreprise par les autorités coutumières et des délégués des postes de Muhinga (entendez Muyinga), de Mishiha et de Gitega. Avec des moyens non moins importants : une centaine de soldats armée de trois mitrailleuses et commandée par un certain Collette. Les balles qui étaient censées se transformer en eau (selon la croyance inoculée par Runyota à ses « combattants ») viennent rapidement au bout de la révolte.
À la fin, Runyota sera capturé chez un certain Nkundabagore, roi du Bushubi. Ce dernier le remet aux autorités belges en octobre 1922. Runyota est brûlé vif à Gitega et ses cendres jetées dans une rivière. Et ses collaborateurs saisis et punis.
En fin de compte, la rapidité avec laquelle les insurgés trouveront des partisans montre que si les moyens de répressions n’avaient pas été forts, le mouvement aurait vite fait de gagner une grande partie du pays. Au risque de peser plus qu’il ne l’a fait sur l’autorité mandataire de la Belgique.
C’est qui qui a été brûlé à Gitega?D’après le texte c’est Nkundabagore et non Runyota qui a été brûlé!
C’est plutôt Runyota.
OK. C’est clair maintenant