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Le rêve tanzanien: heurs et malheurs des femmes du grand Est burundais

Les terres, les petits boulots, les affaires, la Tanzanie offre moult opportunités qui attirent les Burundais vivants les localités frontalières, dont les femmes. Ces dernières sont parfois victimes des brigands qui les maltraitent et les dévalisent sur les routes du retour. Zoom sur ce phénomène à l’aune des expériences des femmes de la commune Gisagara, province Cankuzo. 

Aux environs de midi, la place du marché de Gasenyi-Mburi grouille de monde. Pailles aux bouches, les hommes sirotent  allègrement des boissons à base de gingembre, « pour se donner un coup de boost », nous explique-t-on.

La localité se trouve à quelques minutes de la frontière tanzanienne. L’influence du pays de Nyerere sur les gens d’ici est palpable : une grosse cylindrée aux allures d’une Sanili immatriculée en Tanzanie par ici, une dame portant une écharpe aux couleurs du drapeau tanzanien par là. 

En plus d’un parler mâtiné de mots swahili, l’accent particulièrement chantant pourrait faire sourire un nouveau venu dans le coin. Ici, on compte comme les voisins colonisés par les Anglais, en yards par exemple.

Une autre unité de mesure  importantissime: le hectare, dit iheka. Dans les immenses propriétés de Tanzaniens, c’est par hectares que sont mesurés les terrains qui sont loués aux Burundais. Des Burundaises  n’hésitent pas à se lancer dans la conquête de cet eldorado.

Terres tanzaniennes, houes burundaises

Emelyne Irakoze, la trentaine révolue vit grâce aux terres tanzaniennes. Cette mère de quatre enfants explique son modus operandi : « Mon mari n’a pas de propriété assez vaste pour nourrir la famille. Je loue un heka à cent mille shillings tanzaniens, cent quarante mille en francs burundais. On cultive le maïs, les arachides ou le manioc, tout dépend de ta préférence. »

Tout cela demande un énorme sacrifice. De Mburi  à Nyaruge où elle a « ses » plantations, Emelyne fait 4 heures de marche. Mais il n’y a pas de quoi la décourager. « Pour vivre, c’est « lazima » (c’est une obligation) de compter sur les affaires avec les tanzaniens», affirme la dame dont les avant-bras développés témoignent d’une certaine force musculaire.

Rachel N., une quinquagénaire de Murore est ce que l’on peut qualifier de commerçante de haut-vol. Pendant des décennies, elle a longtemps exploité des champs aidée par des ouvrières saisonnières qu’elle embauchait. « C’est ce business qui a assuré la scolarité de tous mes enfants. Avec un capital de cinquante mille, je pouvais avoir trois millions de bénéfices », se réjouit celle qui, pour prendre soin de ses vaches, ne va plus louer des terres comme avant.

Les brigands et les mauvais traitements, l’envers de la médaille

Si pour certaines le rêve tanzanien tourne à merveille, pour d’autres, c’est un cauchemar. C’est le cas de Médiatrice Nabucumi, vingt et un an. En 2018, elle tente sa chance dans une bourgade proche de la frontière. Deux années après, une amie à elle lui propose d’aller travailler à Dar-es-Salaam. « Là bas les salaires sont élevés », raconte Médiatrice. 

Pendant deux mois, elle travaille dans un ménage pour un salaire avoisinant les cent mille BIF. Un hic, la maitresse de céans se montre très acariâtre, «elle s’emportait pour un oui ou un non ». Révoltée, notre jeune fille change de patron. Comme si ses galères ne suffisaient pas, tout l’argent qu’elle percevait « se volatilisait comme par enchantement, je ne sais pas si ce sont des djinns (démons/mauvais esprits) qui me dévalisaient. »

Lassée par ce chapelet de mésaventures, elle optera pour un retour au bercail. Sans sou, ce sont ses parents qui payeront les frais de voyage à son arrivée.  

La plupart des Burundaises qui prennent la route pour la Tanzanie y vont clandestinement. Elles sont des proies faciles pour les brigands qui sévissent sur les routes du retour, les tristement célèbres wajambazi. Ils les dévalisent et les maltraitent. L’administration locale se retrouve impuissante. Gratien Nitunga, administrateur de Gisagara fait savoir qu’à travers un collège d’administratifs burundais et tanzaniens nommé Ujilani mwema, bon voisinage en swahili, certains Burundais se voient restitués leurs biens, « mais ce cadre est à priori pour ceux qui voyagent légalement », précise cette autorité.

 

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