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Réseaux sociaux et divisions ethniques : comprendre pour mieux agir

Les réseaux sociaux, ces plateformes qui réunissent beaucoup d’utilisateurs de différents milieux, tempéraments, origines, sont devenus incontournables à l’ère moderne, avec la démocratisation du smartphone. Il ne s’agit plus uniquement de recevoir l’information, on peut à présent réagir, commenter ou en créer. Les réseaux sociaux deviennent ainsi un cadre pour tous ceux qui veulent s’exprimer. Malheureusement, certains en abusent et tombent dans les insultes et l’aversion ethnique. Sans censure, difficile de contrôler les discours ethnisant qui y pullulent. Parlons-en.

Crus. Menaçants. Choquants sont les propos qui ont été prononcés par un certain Maslow, intervenant dans un space sur X tenu par Karyenda, umutwip. Maslow menace de s’en prendre aux membres d’une ethnie et les punir pour ce qu’ils ont fait à son ethnie. Ces propos virulents et d’une certaine gravité rappellent que peu de réseaux sociaux sont dotés de politiques de censure ou bien de limitation pour sanctionner les écarts de langage ou bien les contenus appelant à l’aversion ethnique ou raciale. Ceci donne carte blanche à quiconque le souhaite de publier ce qui lui chante.

Restons toujours sur X. Une autre publication mise en ligne compare les réalisations des Présidents du Burundi et du Rwanda, l’un Hutu et l’autre Tutsi, précise-t-il. Il semble que l’auteur de la publication impute les accomplissements de ces deux personnalités à leurs ethnies, ce qui a suscité pas mal de commentaires. Certains s’indignaient qu’il puisse même y avoir comparaison, d’autres défendaient le numéro Un burundais, sans oublier quelques insultes échangées entre les membres des ethnies concernées.

Ce n’est pas tout : j’étais en train de scroller tranquillement sur Facebook quand je suis tombé sur une publication rappelant l’attaque mortelle de l’école de Buta durant laquelle on avait exigé aux élèves de se regrouper selon leur ethnie. Certains commentaires étaient empreints d’une telle violence et d’obscénité que je ne peux pas les reprendre ici.

Bref, tout ceci m’a fait réfléchir et je suis arrivé à cette conclusion : il nous faut repenser notre utilisation des réseaux sociaux.

Sans foi ni loi

Au risque de me répéter, peu de réseaux sociaux disposent d’une politique stricte régissant le type de contenu qui y est relayé. Même ceux qui avaient des fact checkers ou des chasseurs de fake news les ont chassé, à l’instar de Mark Zuckerberg qui a annoncé la fin du programme de fact checking sur Meta et les plateformes connexes. Les réseaux sociaux deviennent ainsi un amplificateur des propos ethnisant. Ce que les gens ne peuvent pas se permettre de dire en présentiel, ils le crient haut et fort avec leurs portables ou derrière leurs ordinateurs, dans le confort et la sécurité de la forteresse de l’anonymat que sont les réseaux sociaux. Or, il y a une loi sur la cybercriminalité au Burundi qui punit de tels faits.

Ainsi, toute personne malveillante qui publie quelque chose et les autres lui répondent par des propos où transparaissent de graves écarts de langage s’exposent aux sanctions pénales.

Le hic est que c’est compliqué de réguler toute cette communauté d’internautes qui ont tous quelque chose à dire, bien que, selon la loi sur la cybercriminalité (article 49) « est puni d’une servitude pénale de 5 à 10 ans et d’une amende de 5 à 10 millions de BIF, quiconque crée, télécharge, diffuse ou met à la disposition, sous quelque forme que ce soit, des écrits, messages, photos, dessins, vidéos ou toute autre représentation d’idées ou de théories de nature raciste ou xénophobe, par le biais d’un système informatique. »

Cependant, la blâme devrait aussi aller aux concepteurs de ces plateformes digitales qui, au lieu de mettre en œuvre les moyens qu’il faut pour assurer un minimum de régulation, se mettent à faire la sourde oreille, à l’image de Meta et ses nouvelles politiques. Mais malgré tout, rien n’est encore perdu…

Une petite lueur d’espoir

La question est de s’interroger si c’est possible d’assainir les réseaux sociaux, afin qu’ils deviennent un cadre dans lequel chaque personne s’exprime dans le respect de son prochain… Je le dis d’ores et déjà : c’est difficile ! Les réseaux sociaux regroupent un si grand nombre d’utilisateurs et chacun avec son propre vécu, ses propres blessures et traumas. Penser que discipliner tout ce monde est envisageable n’est pas réaliste.

Par contre, il est possible d’agir à son propre niveau : lancer des discussions sur des sujets qui rassemblent au lieu de diviser, condamner les divisions ethniques, ou encore démystifier les sujets délicats. Discuter, opposer des arguments de poids aux mauvaises langues, signaler ceux qui exagèrent… tout cela pourrait apporter, petit à petit, un changement positif. C’est déjà le cas sur Instagram, où une publication a fait naître une lueur d’espoir. La lutte contre l’exacerbation des divisions ethniques sur les réseaux sociaux n’est peut-être pas perdue, au vu de la façon dont la nouvelle génération réfléchit. Faisons attention à ce que nous publions, respectons-nous, respectons les autres.

 

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