Il y a quelques années, un projet de plantation de cannes à sucre a vu le jour. L’idée était de créer une sucrerie dans la commune de Gihanga. Cependant, un seul kg de sucre n’a jamais été produit. Beaucoup de choses ont été dites. Mais attendant, on ne sait rien de ce projet. Qu’en est-il ? Est-il mort ou pas ? Quelques éléments de réponse dans les lignent qui suivent.
Le ciel est clair. La RN5 est mouvementée. Les véhicules et des motos roulent à vive allure. Nous sommes entre la transversale 3 et 4 de la commune Gihanga. Ici, une vaste plantation de cannes à sucre se trouve près de cette route goudronnée. Il s’agit des champs de la sucrerie Tanganyika Sugar Industries.
Visiblement, il n’est pas facile de pénétrer à l’intérieur de la plantation.On remarque la présence des militaires assurant la sécurité sur la RN5. Il faut un guide pour ne pas avoir des ennuis. En attendant d’en trouver un qui puisse m’accompagner, je discute avec un groupe d’écoliers en vacances jouant au bord de la route. Après dix minutes, un jeune homme avec une houe sur l’épaule, approche, poussé par la curiosité de connaître cet homme entouré par de nombreux enfants. Il s’invite dans notre conversation.
Le nouveau venu se montre plutôt serviable : « Si tu veux en savoir plus sur cette plantation, suis-moi. A l’intérieur, il y a des ouvriers entretenant les cannes à sucre. »
La canne à sucre s’assèche
La plantation semble abandonnée. Les herbes ont envahi des canaux d’irrigation vides qui ne sont pas curés. L’eau ne ruisselle pas dans le champ. Une bonne partie des plantes a séché.
Après 2 minutes de marche, nous rencontrons une dizaine de personnes. Le guide indique que la plantation est devenue une source de bois de chauffage pour certains riverains. « Nous avons découvert que la canne à sucre sèche est un bon combustible.»
Plus d’une centaine de mètres plus loin, une vingtaine de vaches broute tranquillement les herbes plus abondantes que la canne à sucre. Un gardien, la soixantaine, lave tranquillement ses habits dans les eaux stagnantes qui bordent la plantation. Il se dit que le troupeau de vaches en train de brouter dans la plantation appartiendrait au propriétaire de la plantation, explique notre guide. Après une dizaine de minutes de marche, on tombe sur plus d’une trentaine d’ouvriers. Le guide ne veut pas se faire remarquer. Il rebrousse chemin sur ces entrefaites.
Quand nous avons voulu engager la conversation, on s’est vite rendu compte que tous les ouvriers étaient hésitants. Ils se regardaient dans les yeux comme si personne n’était autorisé à parler à une personne étrangère. Une femme a fini par accepter de s’exprimer, révélant qu’ils sont en train de réhabiliter une piste destinée à arrêter le feu en cas d’un éventuel incendie : « On nous paie 3000 BIF pour 7 mètres aménagés. Je travaille dans cette plantation depuis 2014. »
Plus de 300 ouvriers y travaillent
D’après les dires de cette dame, au début 3500 ouvriers travaillaient dans cette plantation. Mais l’effectif a diminué avec le temps. Aujourd’hui, il ne reste que 300 ouvriers. Une déception apparaît vite à travers ses propos : « Les travaux n’avancent pas. On sarcle, on repique de nouveaux plants et on réhabilite les pistes. C’est tout. » Les raisons de ce retard ? Elle n’en sait rien.
C’est à ce moment qu’un autre ouvrier interrompt notre conversation. « On espérait que ce projet venait créer des emplois et mettre fin à la pénurie du sucre. Mais, les résultats se font toujours attendre ».
D’après ce même ouvrier, il se dit beaucoup de choses autour de ce projet. Pour certains, ce projet ne décolle pas parce que cet endroit n’est pas propice à l’exploitation de la canne à sucre. Pour d’autres, le propriétaire n’a pas les moyens financiers suffisants.
Quelques précisions…
Il y a neuf ans que l’opérateur économique Nahum Baranyankiriza, par l’entremise de son entreprise Tanganyika Business Company (TBC), a lancé ce projet à Gihanga. Il voulait y faire pousser la canne à sucre. Le chantier a été lancé exactement le 31 décembre 2012. La Banque Nationale de Développement Economique (BNDE) a accordé un prêt de 3 milliards BIF à TBC remboursable en 5 ans avec un différé de 9 mois. L’objectif était de monter une usine de sucrerie, la Tanganyika Sugar Industries.
Pour en savoir plus, nous avons approché un des chercheurs qui a suivi le projet dès le début. Sous couvert de l’anonymat, ce dernier balaie d’un revers de main certaines raisons avancées pour expliquer pourquoi le projet reste au point mort. « La Tanganyika Sugar Industries pourrait faire face à de nombreux problèmes, mais celui de la mauvaise qualité du sol ne tient pas.»
Selon cet expert, ceux qui disent que le sol de Gihanga est salé et que la canne à sucre se transformerait en « canne à sel » se trompent. « C’est une rumeur sans fondement. La canne à sucre ne peut pas devenir salée à cause de la composition du sol. C’est impossible », affirme l’expert.
Une production prévue d’environ 85 tonnes/hectare
Pourtant, l’étude de faisabilité était concluante. La qualité de canne à sucre était bonne. Cette zone où est plantée la canne à sucre est idéale pour la culture, avec très peu de risques de contraintes physico-chimiques de sodium.
Selon notre source, 17 variétés de canne à sucre ont été plantées. Il est prévu une récolte de 85 tonnes par hectare. « La production attendue est bonne même si elle est inférieure à celle de la Sosumo avec ses 120 tonnes par hectare », précise-t-elle.
D’après les propos d’un laborantin du Centre National de Technologie Alimentaire (CNTA) contacté, à la fin de 2012 des échantillons de la canne à sucre de cette société ont été analysés. Cette étude visait à analyser la teneur en saccharose. Quatre échantillons avaient une teneur acceptable. Ce n’est donc pas la qualité du sol qui a handicapé le projet, comme le disent certaines rumeurs.
Du côté de Tanganyika Sugar Industry, l’on se veut rassurant. « Le projet fabrication du sucre continue », déclare Jean Pierre Ndikumana, chef de projet. Avant de préciser que ledit projet sera réorganisé et de promettre plus de détails d’ici peu.
Tôt ou tard on devrait donc consommer le sucre de Gihanga.