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Punition corporelle : quand la colère l’emporte…

Ceci est un témoignage d’une blogueuse qui, après avoir vu une photo des jeunes écoliers blessés après une punition de leur enseignant, a eu un flash-back d’une scène qu’elle a vécue en 2001. 

Il est 10h moins dans la petite salle d’à peu près 10 m sur 6. Je m’assois sur un petit banc pupitre en bois avec une camarade de classe à l’autre bout. Un silence de mort règne dans la classe. Je m’amuse à additionner et soustraire les données de deux exercices au tableau que les plus matheux résolvent en un claquement de doigts. Je jette parfois un coup d’œil à l’extérieur, contemplant distraitement l’autre partie de nos bâtiments récemment rénovés. Le bleu ciel à travers les vitres des grandes fenêtres attire irrésistiblement l’attention. En tout cas, les chrétiens « bakoroni » nous ont laissés un bel héritage. Et les pasteurs qui ne cessent de se démener pour que notre école brille par sa beauté dans cette lointaine contrée du sud du pays. Le prestige de fréquenter une école sous convention trouve ici toute son essence. 

Le tragique scandale 

Perdue dans ma contemplation, un bruit bizarre « y’igipasse » (le bruit d’une claque) puis un cri de protestation me fait sursauter. « Non monsieur urandenganije », hurle le grand Gasongo. « Ndakurenganije ? Wariko ugira iki ? », réplique monsieur Bède*, le titulaire du cours de Français. Quelques secondes après, des mouvements de va et viens dans les rangées et hop ! Il saute et court sur les bans pupitre et partout dans salle. Le grand Gasongo tente d’esquiver instinctivement les coups de bâton de monsieur Bède mais celui- ci le poursuit avec un bâton. Monsieur Claude*, qui au départ était assis dans un coin de la salle derrière son bureau se joint à la lutte après avoir fermé la porte et toutes les fenêtres de la classe. 

La situation devient chaotique. Les deux messieurs, tous dans leurs vingtaines, bâtons à la main ne veulent pas se laisser faire. Ils essaient d’immobiliser Gasongo à coup de bâton. Mais ce dernier ne veut pas se résigner. Il court dans toute la salle, passe dans les rangées, monte sur les bancs pupitres, parfois il rampe ou saute, pour essayer d’échapper aux coups de bâton des jeunes messieurs très emportés par la colère. Quant à nous, les plus petits, nous sommes déjà paralysés par la peur et cachés sous les pupitres. Les autres pleurent. Ceux de « l’état-major » (ceux qui s’assoient derrière en classe) crient et encouragent leur condisciple Gasongo. D’autres essaient d’ouvrir les fenêtres pour qu’il trouve un moyen de sortir. Après près de 5 minutes de lutte sans merci qui semble avoir duré plus de 5 heures pour moi, Gasongo parvient à s’échapper de la classe par une fenêtre de derrière. 

« Inkoni ishikira igufa ntishikira ingeso »

Gasongo est malheureusement décédé quelques années plus tard, que la terre lui soit légère. Mais 20 ans après, la résistance qu’il a  opposée à ses « agresseurs » ne s’est jamais effacée de ma mémoire. Parfois, je m’amuse à analyser la situation, à me convaincre que le jeune adolescent n’avait peut-être pas raison de batailler avec ses enseignants. Mais pourquoi  n’ont-ils pas trouvé mieux comme punition que de se livrer à cette bataille de bâtons avec un élève qu’ils étaient censés éduquer, terrorisant par la même occasion une cinquantaine de petits enfants innocents dans cette affaire ?

Certains diront que le jeune âge de ces instituteurs qui étaient dans la fleur de l’âge pourrait être la cause de cet agissement déplorable. 20 ans après, la situation d’est empirée. N’est-ce pas que ce parent a brûlé son enfant pour avoir volé 500 BIF? Et cette jeune femme qui a contraint 24 de ses élèves à marcher à genou, voulait-elle vraiment juste les éduquer ou simplement leur faire mal? Manque de chance pour elle en tout cas, car elle va passer trois mois en prison et elle risque de perdre son boulot. Dans son for intérieur, peut-être qu’elle voulait juste corriger ses élèves  pour qu’elles ne tombent pas dans la même erreur à l’avenir. Derrière ces punitions maladroites, il peut ne pas y avoir une intention de nuire. Encore que la tâche d’éduquer n’est pas toujours facile. Pour finir avec l’histoire de Gasongo, dès le jour de l’incident, il est devenu l’enfant mal aimé des deux messieurs. A la moindre erreur, ils lui tombaient dessus et le bastonnaient copieusement. A la fin, il décida d’abandonner l’école et de rejoindre l’armée. Il périra sur le champ de bataille.

 

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