article comment count is: 0

Programme des cantines scolaires : « Important, mais pas une solution miracle pour éradiquer les abandons scolaires »

Dans sept provinces du Burundi, plus de 600 000 élèves bénéficient du programme d’alimentation scolaire. L’objectif est que ce programme soit étendu à tout le pays d’ici 2030. Un programme qui, certes, est perçu comme une des solutions aux multiples défis qui hantent le système éducatif burundais, mais qui a aussi ses propres risques à ne pas négliger.

Le programme des cantines scolaires est un programme qui a été imaginé en 2009 lorsque les provinces du nord ont connu des problèmes de sècheresse très sévères. Les écoles de la région Nord affichaient un taux d’abandon élevé par rapport aux autres régions. Le programme a d’abord commencé avec trois provinces du nord (Kirundo, Muyinga et Ngozi) et aujourd’hui il en est à sept provinces (Bubanza, Bujumbura, Cibitoke et Gitega). 

« Dans un pays comme le Burundi où les ménages peinent à nourrir leurs enfants, le programme de cantine scolaire est important », commente Alexis Ndayizigiye, psychologue, expert en éducation et en redressement des comportements des enfants et des adolescents. Il explique que lorsque l’enfant n’a pas bien mangé, cela aura un impact sur son apprentissage et la capacité du cerveau à capter le message sera faible. Pour lui, un bon repas chaud à midi donné à l’école, ne fait que du bien à l’enfant.

Toutefois, selon l’expert, le programme devrait prendre en considération certains aspects de la vie sociale, mais également être accompagné par d’autres mesures. « Il faudra prendre garde à ce que les ménages n’en cultivent pas une dépendance et que la lutte contre les abandons scolaires ne repose qu’à cela ».

Il ne faut pas confondre « apprendre » et « manger »

Les cantines scolaires présentent un aspect motivationnel. L’hypothèse est que suite à la pauvreté des familles, les enfants abandonnent l’école à cause de la faim. Avec le programme de cantines scolaire, l’école n’est plus un endroit où on apprend seulement. Elle devient aussi celui où on mange. « Il faudra plus faire attention à ce que le second (celui où on mange) ne prime pas sur le premier (celui où on apprend) dans la tête des enfants », explique Ndayizeye.

Encore, pour une raison ou une autre, le programme peut ne pas s’éterniser. Sa pérennisation n’est pas assurée. Le psychologue explique que le scénario possible est que les localités qui ont bénéficié de ce programme enregistrent plus d’abandons qu’elles n’en ont jamais enregistrés. La seule motivation qui les poussait à aller à l’école n’y est pas. « Sinon, il faudra ainsi penser au renforcement des capacités des familles pour prendre la relève »

Attention à ce que les parents ne soient pas démissionnaires !

Dans les conditions normales, l’alimentation des enfants incombe à la responsabilité des parents. Un devoir qui exige normalement une considération, un respect des enfants envers leurs parents. Cette responsabilité donne un certain pouvoir sur leurs enfants. Pour le psychologue, ce lien peut être brisé une fois que les enfants constateront que leurs parents ne fournissent aucun effort pour leur alimentation. « Et cette indépendance par rapport aux parents pourrait créer un détachement parental », ajoute-t-il.

Plus encore, selon Ndayizigiye, l’autre risque est que les parents qui sont sûrs que leurs enfants vont manger à l’école, démissionnent de leurs rôles de pourvoir aux besoins en nourriture de leurs enfants. « Alors que la charge de nourrir leurs enfants leur est ôtée, ils risquent de démissionner carrément au lieu que cela les aide à investir et se relever de la pauvreté », analyse-t-il.

Pour Alexis Ndayizeye, certes, les abandons scolaires sont la conséquence directe de la pauvreté des ménages, mais également de plusieurs autres causes. Il en cite entre autre les conditions et la qualité de l’enseignement, les troubles socio-affectifs… « Elles sont multifactorielles et il faudrait que les solutions soient également multifactorielles. »

Cela étant, le psychologue, comme d’autres analystes, estime que le programme des cantines scolaires n’est pas une solution miracle pour éradiquer les abandons scolaires. Il faudra plutôt s’attaquer aux racines. « Il est important de fournir plus d’efforts à lutter contre la pauvreté extrême au niveau des ménages afin qu’ils soient plus autonomes et résilients ».

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion