C’est au lendemain des élections de 2005 que feu président Pierre Nkurunziza a décrété la politique de gratuité des soins en faveur des enfants de moins de 5 ans et des femmes enceintes. Cette décision garde toujours des effets positifs comme la réduction du taux de mortalité infantile. Néanmoins, 17 ans après, sa mise en pratique connaît quelques avatars au détriment de ses bénéficiaires.
Le 16 mars 2010, quatre ans après le décret no 100/136 du 16 juin 2006 portant gratuité des soins, un autre décret sort portant révision des subventions des gratuités des soins. Il est accompagné par une ordonnance ministérielle. Ce dernier « précise la liste des soins et des actes concernés par la subvention des pathologies liées à la grossesse », peut-on lire à l’article 2 de ce décret. Pour les enfants de moins de 5 ans, leurs soins restent subventionnés à 100% dans les structures de soins publiques et assimilées.
Toutefois, l’article 4 de ce décret apporte une petite nuance : « toutes les femmes et les enfants qui bénéficient d’une autre prise en charge patronale ou mutualiste ne sont concernés par la mesure qu’au prorata du ticket modérateur ». Bref, tout reste gratuit (pour les bénéficiaires) à quelques exceptions près.
« Pas un seul sou ! »
Cap sur Kayanza et Ngozi. Dans ces 2 provinces du Nord du pays, la politique est bien en vigueur. « Je n’achète jamais de médicaments en dehors de l’hôpital. Tout m’est donné ici », affirme Mugisha, une jeune femme rencontrée à l’hôpital de Buye tenant son premier bébé dans les bras. Elle affirme avoir été césarisée et avoir bénéficié de tous les soins gratuitement.
« Avant de venir au dispensaire, j’amène d’abord mon enfant auprès d’un agent de santé communautaire. S’il voit que le cas le dépasse, c’est là qu’il me transfère au dispensaire », raconte Divine Ntirampeba, une autre jeune femme de la commune Gashikanwa, elle aussi a été césarisée récemment. « On ne me demande pas un seul sou ! », répète-t-elle à plusieurs reprises sur un ton insistant.
Cependant…
Divine reconnaît qu’il est tout de même difficile pour les enfants non-inscrits à la commune d’être reçus. Les mères célibataires préfèrent alors inscrire leurs enfants avec la mention « père inconnu » pour pouvoir bénéficier de la gratuité des soins pour leurs enfants.
Ce n’est pas le cas pour certaines femmes, toutes dans la trentaine, rencontrées sur la RNI à quelques kilomètres du chef-lieu de la province Kayanza, en train de vendre les denrées alimentaires. Deux d’entre elles soulèvent un débat houleux sur la qualité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Nous allons les nommer Agnès et Christine.
La réponse à une vieille dame qui essayait de les contrarier fuse : « Ntavyo uzi sha we waraciye. Qu’est-ce que t’en sais, t’es déjà en pleine ménopause ». Une sorte d’artillerie lourde que sort le duo Agnès-Christine pour faire taire Ménédore (nom d’emprunt), assise à côté de ces jeunes mamans à chaque fois qu’elle essaie de les persuader que tout va bien.
Elles sont volubiles, inarrêtables dans leur harangue : « Il y a souvent un manque de médicaments. Pour un médicament qui dépasse 1500 francs, on t’envoie l’acheter à l’extérieur du dispensaire ou de l’hôpital », font-elles savoir.
Des problèmes reconnus par tous
« Parfois un médecin peut vouloir te prescrire 3 médicaments et constate qu’un des 3 n’est pas sur la liste des médicaments disponibles à cette structure de santé. Il te le prescrit et il faut aller l’acheter dehors », explique Dr Polycarpe Ndayikeza le porte-parole du ministère de la Santé publique.
Selon lui, certains hôpitaux se plaignent même que l’argent concernant la gratuité des soins de santé que l’Etat paie n’est pas proportionnel aux dépenses réelles. « Si le budget assigné à la gratuité des soins était vu à la hausse, cela aiderait considérablement à l’amélioration des soins. Le ministère en est conscient », reconnaît-il.
Au regard de tous ces problèmes soulevés, cette politique, bien que pertinente, a néanmoins occasionné plusieurs autres défis comme la croissance du nombre des femmes qui accouchent et des patients de moins de 5 ans dans les structures sanitaires.
Certains médecins suggèrent à l’Etat d’en tenir compte et ainsi accroître le nombre du personnel soignant en qualité et en quantité, fournir des médicaments à temps et bien équiper les structures sanitaires afin qu’au-delà de cette gratuité des soins, les bénéficiaires puissent être bien traités.