Est-il encore permis de rêver au Burundi ? C’est ce que croyait un jeune homme avant sa rencontre avec le mandarin. Ce dernier, en lui miroitant monts et merveilles, le fera très vite déchanter. C’est connu, avec les compromis, les priorités changent. Il nous fait part de ses regrets.
Je rêvais de devenir agronome, pour pouvoir changer la donne dans mon pays, le sortir de la précarité. Je voulais me donner les moyens pour être en position de proposer des solutions. Mais avant d’atteindre mon objectif, j’ai fait une drôle de rencontre qui a chamboulé tous mes plans : le mandarin.
Il n’a fallu que quelques traits à l’encre chinoise pour jeter mon rêve à la poubelle. Cette langue a su me courtiser : « Le chinois c’est l’avenir de demain ! », me disait-elle, et d’ailleurs elle avait des arguments pour me convaincre comme quoi : le chinois est la 2eme langue la plus parlée au monde. Et puis, la Chine est à la conquête du monde. Savoir utiliser le mandarin est un atout.
Je n’en veux même pas à mon cerveau quand il m’a suggéré peu à peu d’abandonner les fameuses chimies et biologies qui ne me serviront pratiquement jamais pour me concentrer plus sur cet espoir du lendemain, ce lendemain qui sentait le pognon à plein nez.
Face à l’argent, les priorités changent …
Les efforts fournis ont fini par payer ! Un travail à plein temps dans une compagnie chinoise s’offrait à moi, et voilà que le dilemme s’imposait à moi ! Accepter ce travail et abandonner à jamais mon rêve de devenir agronome ou renoncer à ce nouveau job et espérer que les équations chimiques me permettront de survivre un jour. Mais en lisant entre les lignes et les chiffres, les réalités de mon pays, le chômage qui y règne, les sept cent mille qu’on m’offrait comme premier salaire (un salaire qui dépassait de loin celui de mon prof de chimie !) moi jeune ado de 17ans, m’ont fait saliver, et adieu les études !
J’étais le King, j’amassais de la tune tandis que mes camarades eux ramassaient des zéros dans les évaluations. Je leur répétais : « Il ne faut plus compter sur les jobs du gouvernement, les études ne servent à rien, cherchons le Fbu! ». Pour être honnête, c’était pour me convaincre que j’avais fait un bon choix,
Je servais d’interprète pour les promoteurs de casinos et je vous jure que j’ai maintes fois été témoin de ceux qui y perdaient tous leurs argents, des familles qui ont failli se détruire à cause des machines à sous. A part ça, des fois j’accompagnais « mes » Chinois dans des maisons de massage et Dieu seul sait ce qui s’y passe dans les coulisses. Des fois, c’est moi-même qui négociais le prix. J’ai commencé à me maudire surtout quand je servais à conclure pour eux des plans-cul avec des jeunes filles avec encore des têtes rasées. Ma petite voix intérieure avait tendance à surgir de mes entrailles pour désapprouver le choix que j’avais fait. Mais j’avais déjà offert mon âme au diable, seuls les billets de banque comptaient.
On s’est aimé comme on s’est quitté
N’ayant pas signé de contrat (Comment aurais-je su qu’il m’en fallait un ?), je me contentais du cash qu’on me filait comme salaire. Un beau matin ils se sont réveillés et ne voulaient plus de moi ! Sans même un petit préavis, mon job était fini du jour au lendemain. Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’avais déjà raté l’examen d’état et mon ego en avait pris un coup. Reprendre l’année ? J’avais l’impression que je perdais du temps, sans oublier mon rêve qui était en train de s’évanouir. J’étais à des années-lumière de ce conte de fée que je m’imaginais et l’ironie du sort est que je me trouvais bloqué avec le chinois. Ce qui me restait était les fameuses bourses chinoises pour aller étudier rien que du chinois, mais avec le covid c’était mort ! Les études en ligne avec la connexion locale c’était la galère. J’ai dû confiner alors mon rêve. J’ai assisté au « Graduation’s Day » de mes anciens camarades, la mort dans l’âme. Désespéré, sans diplôme valable, sans titre (Adieu l’expert agronome), j’ai dû partir au Congo pour faire de petits boulots pour le compte des Chinois.
Sha urabwir uwo muntu uti hew genda ntagishinwa wari wize ngo ukimenye,uti kuko abakizi nubu bariko baragikamisha,baguma bamura amafi
Comme il n’y a pas d’âge limite pour les études, qu’il revienne pour continuer les études, et cette lange chinoise sera une opportunité à exploiter. Supposons qu’il fait les relations internationales, il pourra facilement décrocher un poste dans un ambassade burundaise à l’étranger à cause de la maitrise de cette langue chinoise, ou pourra facilement décrocher un boulot dans une ambassade chinoise ou dans une société chinoise à l’étranger.
Ce n’est que la triste réalité de ce pays.. dès que tu as une opportunité de sauter sur « l’argent », tu y vas à fond…