Au bout de cinq années à l’Université du Burundi (UB), je me suis fait une opinion sur les « Poilissimes supérieurs », à savoir les profs. J’ai voulu savoir quels sont les rapports prof-étudiant d’outre-Atlantique. Ceci est un échange avec une cousine fraîchement sortie de l’université au pays de l’Oncle Sam.
Chère cousine,
Aujourd’hui encore, je me rappelle de mon premier jour à l’université du Burundi début 2017 au campus Rohero. La sueur perle par endroits sur nos têtes rasées. Assis, serrés comme des sardines, les honorables poilissimes, Abavyeyi nous inculquent les ba.ba des valeurs d’un vrai poilissime. Je vous passe les détails. Non. Restons sur Un détail. On nous énumère la liste des professeurs « Très Virulents », dont un qui aurait fait échouer toute une promotion. Les puants- bizuths- échangent des regards apeurés. Il faudra raffermir les muscles de nos petites fesses sur les bancs. Ces profs, ça craint.
Et là, tu me dis que dans vos facs au pays de l’Oncle Sam les profs sont hyper cool ! Chez nous, un prof est une petite divinité. C’est un être distant. Ils se plaignent souvent que nous devenons de plus en plus débiles. Peut-être ont-ils peur de salir leur science infuse avec la crasse de notre ignorance. Enfin, pas tous, il y a quelques profs sympas.
Cher cousin,
S’il y a des questions auxquelles il me faut beaucoup de temps pour répondre c’est bel et bien « waramenyeye ? ». Je suis obligée de réduire mes dix paragraphes de réponse en un « oui » à cette question que contient chaque appel WhatsApp du Burundi. Parmi les choses qui me surprennent toujours, c’est le comportement des professeurs vis-à-vis de moi.
Tout au début, je ne pouvais pas comprendre ce qu’ils disaient ces Américains, tellement leur accent avale beaucoup de lettres. J’étais toujours dans leurs bureaux, pour leur poser des questions les unes plus floues que les autres. Ils prenaient tout le temps qu’il fallait, expliquaient tout encore une fois, rien qu’à moi ! Tu t’imagines ? Ici les profs, c’est comme monsieur tout le monde seulement avec deux, trois, quatre diplômes de plus. Ils te retournent le même respect que tu as en leur parlant. Vous avez accès à leurs numéros pour que vous puissiez envoyer un textos au cas où vous butez sur une leçon le soir en faisant vos devoirs. La salle de classe n’est jamais un endroit où fusent les moqueries. Ils sont trop humains.
Et c’est triste que ceci surprenne toujours la burundaise que je suis, ça en dit long.
Ce n’est pas que l’Atlantique qui nous sépare
Mais, après tout, je me dis que c’est une question de culture. Nos fameux Poilissimes supérieurs forment une sorte de noblesse. Je suis peut-être dur avec eux, mais certains se la jouent parvenus. Ou bien, ils croulent sous le poids du travail. Ils doivent avoir des milliers de copies à corriger, une consultance par ici une autre par là pour garnir les comptes en banque sans oublier des heures à glaner dans des universités privées pour se faire un peu plus de blé. Je les comprends. Nouer des liens avec les étudiants et les suivre dans leur évolution, ce n’est pas une douce sinécure. Peut-être que la configuration même de nos universités ne permet pas des relations décontractées entre profs et étudiants.
Dommage. L’éducation en souffre énormément et les étudiants y perdent beaucoup. Je me demande l’état de votre collaboration dans la recherche, elle est primordiale dans l’avancée de la connaissance! Ou encore quand il s’agit de lettres de recommandation ou autres documents où vous avez besoin d’un de vos profs. Comment vous approchez-vous d’eux du haut de leur piédestal ? Et s’il faut approfondir la matière apprise, vous donnent-ils des repères ? Accueillent-ils à bras ouverts vos questions et ajouts puisque maintenant tout est à votre portée sur internet ? La configuration de Rumuri et autres universités est contre vous, je te l’accorde, mais l’Ubuntu peut remplir les fissures de ce système éducatif pour le meilleur en attendant les décrets. Si vos enseignants ne le peuvent pas, au moins qu’ils laissent de côté la malveillance, elle n’est nécessaire en rien.