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Oui, je suis « Maman Pasteur » et alors ?

Dans la vie, il y a de ces décisions qu’on prend et qu’on assume tête haute, mais aussi, il y a des surprises qu’on est amené à gérer et assumer bon gré mal gré. Celle-ci est une confidence d’une maman d’une jeune fille vivant avec un handicap qui nous raconte le calvaire qu’elle a vécu et les décisions qu’elle a dû prendre pour sa fille.

Après avoir mis au monde cinq garçons, j’étais impatiente d’accueillir ce petit être. Certes, j’avais cette estime digne d’une mère qui a eu la chance d’avoir des garçons, kwagura umuryango comme on aimait le dire, mais je sentais toujours un manque. Un beau matin, un cadeau du ciel, Kaze (Bienvenue), une petite fille merveilleuse débarqua dans notre famille.

Kaze n’était pas comme les autres bébés que j’avais précédemment bercés. Mon cœur de maman s’inquiétait, mais l’autre voix jetait le tort à la turbulence masculine. Elle avait une sagesse hors du commun, un regard étrange, des mouvements lents et plus tard un retard de croissance intellectuelle. Inquiète, je décidai de voir un pédiatre. Et ma peur fut confirmée, « Kaze a une déficience mentale. ». Je passai des nuits à me demander pourquoi moi seigneur, pourquoi Kaze, la seule fille que je venais d’avoir ?

Un fardeau lourd à porter

Dans ma petite tête, milliers de questions, d’inquiétudes. Sachant combien cette société est hostile à ces enfants, je pensais à son futur, à notre quotidien. Moi, enseignante dans une école primaire, allais-je abandonner mon travail et m’occuper exclusivement de ma fille ? Et les coûts de soins de santé spécialisés ? À qui allais-je laisser ma fille ? Pour combien de temps ? Et ma maison qui accueillait les visiteurs de l’église presque tous les dimanches, y avait-il une place pour ma Kaze ? Les commentaires, la compassion, les moqueries… J’anticipais tout.

À peine adolescente et déjà enceinte

Je revois le jour de ses premières règles, elle n’avait que 14 ans, j’avais l’impression de le vivre avec elle, je guettais désormais son calendrier chaque mois pour l’aider à mettre une serviette, mais aussi à la changer. Je l’ai fait pour les premières, puis le deuxième mois, le troisième, mais hélas, pas le quatrième. J’avais oublié de surveiller aussi les loups-agneaux qui rôdaient autour d’elle pour assouvir leur appétit sexuel.

Au début, j’ai essayé de me rassurer : « Peut-être un dysfonctionnement du cycle, normal au tout début, non ? ». Avec le temps, ma peur prenait ses aises. Kaze semblait agitée, elle pleurait sans raisons apparentes, elle refusait de manger. J’ai décidé d’aller voir un médecin, peut-être qu’il y avait des changements liés à l’adolescence qu’elle peinait évidemment à communiquer. Après quelques examens, la révélation du docteur fut poignante : « Kaze est enceinte. »

Non ! Qui est ce géniteur ? Géniteur ? Non, ce malfaiteur, ce criminel qui a profité des conditions de ma fille. Où est ce qu’elle l’a rencontré ? Je sentais les larmes dans mes yeux surtout lorsque le docteur a renchérit. « C’est une grossesse à risque, vous avez le choix de l’interrompre. » Mais non Docteur, c’est un péché! », ai-je protesté sans même le laisser terminer. « J’ai bien dit, vous avez le choix, c’est à faire ou pas. Courage Madame », rectifia le docteur. Je me replongeai encore dans mes pensées, mais les cris de Kaze me rappelèrent qu’on devait sortir de cette petite pièce.

Une mère irresponsable ! Vraiment ?

De la petite distance qui sépare l’hôpital du parking, je ne cessais de penser à ce que je venais d’apprendre. Un bruit de klaxons d’une voiture et des cris des gens me firent sursauter. Une camionnette allait percuter ma fille. Doux Jésus ! Je ne savais même pas à quel moment elle m’avait échappé ! Et puis des insultes pleuvaient de tous les côtés contre la maman irresponsable que j’étais. Qui étais-je pour les contredire ? Impossible de stopper mes larmes. Les propos des gens qui me taxaient de mère irresponsable venaient remuer le couteau dans la plaie

Igiti ntikigukora mu jisho kabiri

Arrivée à la maison, j’ai pris soin de m’enfermer dans la chambre pour une querelle avec mon Dieu. J’ai fait un voyage dans l’enfance de la petite Kaze. J’ai pleuré comme un petit enfant tout en priant Dieu de me redonner du courage et la sagesse de prendre les bonnes décisions. Quand mon mari est arrivé à la maison, je lui ai parlé de tout, surtout, on a discuté sur le choix que le médecin nous avait exposé. Mais le choix était déjà clair. Comme des leaders de l’Église, que nous sommes, nous devions laisser la volonté de Dieu s’accomplir.

A huit mois de grossesse, nous avons déménagé vers Bujumbura pour être tout près d’un médecin spécialiste. Dieu merci, Kaze a mis au monde. Après, nous avons fait face à un dilemme ! Contraception ou pas ? Dans notre église, les contraceptifs tolérés sont les méthodes naturelles. Et ces dernières, ne sont pas adaptées pour ma petite Kaze qui ne sait même pas à quel moment elle a ses règles. J’ai pris le téléphone et appelé Papa Kaze pour l’informer que j’allais la mettre sous contraception. Il était réticent : « Je suis pasteur ! On doit prêcher par l’exemple ». « Oui, je sais. Moi-même, je suis maman Pasteur et alors ? Si c’est le seul péché qui peut sauver ma fille, ico caha ndacemeye », ai-je répondu. Le lendemain, je suis allée voir le médecin et on lui a mis un implant.

 

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