article comment count is: 0

Débat : L’« occupation » du Burundi, pour quels tenants et aboutissants ?

Au moment où le mouvement exigeant la lumière sur le passé colonial bat son plein à travers le monde, il est intéressant d’avoir une idée sur l’identité et les motivations  des conquistadors qui s’inviteront pour occuper le pays de Mwezi Gisabo. Débat. 

Une mise au  point pour planter le décor : si ce sont les Allemands et les Belges qui viennent souvent en tête quand on parle de l’occupation du Burundi par les étrangers, il faut dire qu’ils n’ont pas été les premiers à le faire. Et ça, les jeunes et moins jeunes de Gitega en savent quelque chose.

Pour Merthus Irambona, il y a eu d’abord des Arabes qui seront suivis après par  les Allemands et les Belges. Des Arables esclavagistes qui précéderont les européens, précise Ferdinand.

Et pour Martin Ndayisenga, ces Arabes (ou des « Zaïrois ») étaient d’abord des commerçants à la recherche de l’ivoire. Des arabes qui érigeront domicile au Burundi et qui construiront même des mosquées, dont celui de Rumonge, le premier du pays. Ce ne sera pas sans inspirer  les prêtres qui se lanceront dans la construction des églises dont la première est construite à Muyaga. 

A Célestin Nduwimana de relever que si dans un premier temps ces Arabes  faisaient le commerce des hommes, ils se lanceront après dans celui des marchandises.

Mais pour l’Historien Emile Mworoha, les Arabes, les Allemands et les Belges ne sont pas les seuls à  avoir essayé de conquérir le Burundi. Il y a eu aussi les Babwibwi, les Lugaluga d’un certain Mirambo qui seront combattus par le chef Rurakengereza. Nous sommes à l’est du Burundi. 

Après, donc les Arabes, à  l’instar de Rumaliza, de même que certains Africains, tous à la recherche de l’ivoire, des esclaves. Ils seront combattus et vaincus en raison sans doute de leur faible armement.

Les Allemands et  les Belges ne viendront qu’après, à la suite de la conférence de Berlin conduit par Bismarck. Une conférence pour fixer le partage de l’Afrique qui constituait déjà un terrain de dispute entre puissances de l’époque.

Avec quelles motivations ?

Dans un premier temps, ils sont venus pour leurs intérêts. C’est ce qu’estime un certain François Ndereyimana, avant de se  raviser : « Mais tout n’est pas noir. Qui  contesterait par exemple la construction des écoles ? Et les routes ? Même s’ils les ont construites pour leurs causes, il ne faut pas nier que ça nous sert  aujourd’hui ».

Cette idée, il  la partage avec Célestin pour qui le Burundi a gagné plus qu’il n’a perdu. Pour preuve, dans le domaine agricole, de nouvelles semences ont été introduites, beaucoup d’écoles, d’hôpitaux ont été construits. 

Et d’ironiser : « Puisqu’on aime raconter que ce sont les Belges qui ont  introduit  l’instrumentalisation ethnique au Burundi, maintenant que nous le savons, pourquoi les divisions ethniques persistent ? »

Au professeur Émile Mworoha de les départager. Derrière cette occupation étrangère se trouve des motivations avouées. C’est en gros ce qui est  généralement  appelé les  Trois C : Civilisation, Christianisation, Commerce. Et  ça, c’est tout ce qu’il y a d’officiels. Car, et ce sont les raisons non avouées, à l’époque,  l’Europe à l’ère industrielle avait besoin de matières premières. Des matières dont l’Afrique regorge. 

Et ce ne sera pas sans effets

Cette occupation aura des conséquences, explique Claudine Niyomwongere qui pointe du doigt les pertes en termes culturels, des coutumes burundaises violées  et des objets culturels disparus. 

C’est aussi ce que note Prosper Ndayisenga qui ajoute qu’avant cette occupation, le Burundi était un pays bien organisé. Et en venant nous occuper, tout ce qui faisait la force du Burundi a été détruit.

Loin de là, soutient pour sa part Onésime. Pour lui, même en coutumes, il faut  dire que le Burundi a  gagné. Par  exemple, avance-t-il, se vêtir convenablement commence avec cette période. 

« On ne peut quand même pas dire que les Burundais ne s’habillaient  pas », rétorque  Phocas qui estime  d’ailleurs que cette occupation constituera un frein. « S’ils n’avaient pas été là, sûrement qu’on se serait beaucoup développé », défend-il. 

Une occupation qui ne sera pas sans conséquences, c’est aussi l’analyse du Professeur Emile Mworoha. Selon lui, il serait  injuste  de dire  que cela n’a pas été sans réalisations. Avant de continuer : « Mais  cela ne peut occulter un bilan peu reluisant à l’actif de ces occupants. Par exemple, argumente-t-il, ils ont détruit la structure organisationnelle en introduisant les idéologies en vogues en Europe à l’époque, celles de race supérieure. C’est aussi sans oublier la réforme administrative de 1925 à l’ origine de  plusieurs changements : entre autres la suppression des coutumes  et institutions traditionnelles, les deux poids deux mesures pour ce qui concerne les ethnies, etc. »

Côté infrastructures, si le professeur reconnaît la construction des écoles, il fait remarquer qu’elles étaient très peu. Résultat, peu d’élites formées. C’est aussi le cas des routes qui pour la plupart n’étaient pas asphaltées avant l’indépendance. 

Et de conclure : « Nos pays auraient pu se développer sans être colonisé. La preuve, il y  en a qui ne l’ont pas été et ce n’est pas à dire qu’ils sont pauvres actuellement. Une bonne coopération aurait pu faire l’affaire ». 

 

Est-ce que vous avez trouvé cet article utile?

Partagez-nous votre opinion