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Nominations récentes des cadres de l’Etat : méritocratie ou simple redistribution de cartes ?

Récemment, on a assisté à des sorties en cascade des décrets nommant les hauts cadres des services de l’Etat. Est-ce le début d’une ère de méritocratie dans l’administration publique telle que prônée par le Président de la République lors de la croisade de prière organisée tout au début de l’année   par le parti au pouvoir à Gitega ?

Les dernières en date sont tombées le 23 février 2023, nommant au poste de Directeur Général des TIC M. Francis Olivier Cubahiro ; Madame Rosine Nsabiyumva à celui de Directeur de Planification et des politiques TIC et enfin M. Salvator Nshimirimana comme Directeur des infrastructures TIC. Et ce n’est pas tout, une série d’autres nominations seront opérées, le même jour, dans ce même ministère…

Le même jour également, Sieur Alexis Girukwishaka était nommé comme Directeur Général de l’Office du thé du Burundi « OTB », en remplacement à Déo Bede Ntunguka, qui aura finalement occupé ce poste 8 jours, puisqu’il avait été nommé précisément le 15 février 2023.

Le pouvoir discrétionnaire en marche ?

Devant une foule, majoritairement de membres du Cndd-Fdd, Evariste Ndayishimiye critiquait, le 21 janvier 2023, le favoritisme observé dans l’octroi des postes dans l’administration publique. « Pourquoi confiez-vous des fonctions tant techniques que celles d’autres natures qu’aux militants de votre parti politique ? Donnez du travail sans tenir en considération l’appartenance politique, donnez du travail à ceux qui ont les compétences. », martelait-il. Moins d’un mois après, juste avant son récent voyage en l’Ethiopie, une série de nominations de hauts cadres des services de l’Etat et des entreprises paraétatiques est tombé nk’imvura (comme la pluie) comme aiment le dire les Burundais. Une volonté de joindre l’acte à la parole ? Nous ne sommes pas dans le secret du chef de l’Etat, difficile donc d’affirmer ou d’infirmer quoi que ce soit. Mais, la constitution l’autorise à nommer discrétionnairement les cadres de l’Etat. Discrétionnairement veut dire sans avoir à donner d’explications à personne, et cette prérogative lui est reconnue par la Constitution de la république du Burundi. 

Ces nominations concernaient, pour rappel, les directeurs des hôpitaux, les directeurs provinciaux de l’enseignement et ceux de l’agriculture et de l’élevage, les cadres de direction de la Mutuelle, l’OBUHA, OTB…bref, ce sont des postes techniques et stratégiques de l’administration publique. Simple constat : c’est là où se font beaucoup de magouilles liées aux malversations économiques, notamment la surfacturation, opacité dans la gestion, le détournement de fonds, la corruption…

Méritocratie ou simple placement des hommes de confiance ?

Pour Faustin Ndikumana, activiste de la bonne gouvernance, la valeur d’une administration se mesure à travers les agissements de ses cadres et fonctionnaires. « S’ils(les cadres) n’affichent pas un comportement exemplaire, les services de l’Etat deviennent défaillants. Que les incompétents soient remplacés par les plus méritants sans tenir compte de leur obédience politique. Que le Président joigne la parole à l’acte », commente-t-il. 

Vu sous un autre angle, le Président n’aura désormais plus à se plaindre des collaborateurs incompétents. Même s’il y a certains qui ont peut-être été reconduits, les nouveaux viennent asseoir sa légitimité. Une évidence : il essaie d’injecter du sang neuf en plaçant des fonctionnaires acquis à sa cause. Cela transparait, par ailleurs, dans son entourage. En trois ans seulement, il a réussi à éloigner tous les ténors de l’ancien régime, ou presque, de Ntare House. Avec ses hommes, le Chef de l’Etat saura-t-il enfin engagé les réformes nécessaires pour développer le pays ? 

En 2016, dans un entretien accordé à Antoine Kaburahe, fondateur du Groupe de Presse Iwacu, Gervais Rufyikiri, frondeur du parti de l’aigle et ancien Vice-président de la République, expliquait que le problème n’a jamais été le manque d’hommes ou de femmes compétent.e.s. « Le grand problème était des institutions non indépendantes dans lesquelles ces hommes et femmes travaillaient. C’est à cause des noyaux qui se sont consolidés parallèlement pour finir par s’imposer et se positionner au-dessus de la loi et finalement imposer le traitement des dossiers en dehors des procédures et des cadres légaux. », a- t-il lâché. Sept ans après, lesdits noyaux ont-ils disparu ? Audi, vide,tace

 

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