Dans la conscience collective, Nangayivuza évoque le summum de la sorcellerie. Cette vision réductrice est loin de ce qu’était réellement cette secte qui comportait également un système spirituel et organisationnel complexe, les uns plus controversés que les autres dont le plus emblématique, chasser Mungu, la divinité apportée par les missionnaires.
Commençons notre périple sur les routes de Nangayivuza par un alien de mot : syncrétique. Pourquoi ? Parce qu’il résume bien l’univers dans lequel nous nous embarquons. Syncrétique, c’est le qualificatif que vous trouverez accolé à Nangayivuza sur une écrasante majorité de la documentation y relative.
Retenons l’acception la plus simple, celle proposée par Révérien Nahimana dans le cas qui nous intéresse : « Une secte syncrétique est une secte qui combine plusieurs doctrines. Les doctrines évoquées ici sont surtout le catholicisme et le paganisme. »
Comme nous le verrons, cette secte était un cocktail de pratiques, rites et croyances qui relèvent de ce qui paraitrait comme un mariage contre nature. Si le décalogue de ses adeptes et la récitation du Notre Père font allusion au christianisme, l’anthropophagie et l’inceste qui caractérisaient les rites d’initiation le font moins.
Nangayivuza, le dico
Ce nom peut renfermer à lui seul trois significations. Le premier et non le moindre fait référence au fondateur de la secte, Pierre Bashahu. Cela découle de sa maestria à la cithare, Inanga. Firmin Marie Rodegem écrit dans « Nangayivuza, une secte syncrétique au Burundi » que « peu de temps avant sa mort, il (Pierre Bashahu) donnait des consultations aux malades en jouant de la cithare, caché derrière une cloison de sa maison. » C’est de là que serait venue la dénomination de Nangayivuza, la cithare qui se joue seule.
La deuxième signification de Nangayivuza est la secte elle-même dans sa dimension métaphysique, toute la communauté de croyants se réclamant de Nangayivuza. C’est cette dernière qui est intimement liée à la troisième qui fait référence aux initiés, les Bananga.
Le temps de trois textes, nous allons essayer de découvrir qui est ce Pierre Bashahu, son parcours et son credo. La spiritualité des Bananga sera également visitée à travers ses textes et rituels. L’idée est de mettre un peu de lumière là où les jugements de valeurs ont tout réduit à « un paganisme ».