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Musaga et ses petits plaisirs du quotidien

« Musaga contestataire, Musaga des gens du Sud, Musaga là où l’austérité règne en maître, etc. ». Si vous vous accrochez encore sur ces clichés que certains collent volontiers à ce quartier du sud de la mairie de Bujumbura, vous avez tout faux. Il y a une vie à Musaga, et il suffit parfois d’une visite pour découvrir les petits plaisirs qui agrémentent le quotidien de ses habitants. Ce récit pittoresque vous invite à découvrir ce coin de paradis, à travers les yeux de ce blogueur.

 Si vous n’êtes jamais allé à Musaga, préparez-vous à une expérience que vous n’aurez nulle part ailleurs. Ce quartier de Bujumbura, c’est un monde à part. Un endroit où le quotidien se savoure avec une chope d’Urwagwa (le célèbre vin de banane) à la main et un plat local dans l’autre. Ici, on ne se demande pas si l’on peut mélanger bière traditionnelle et nourriture, on se demande plutôt pourquoi on ne l’a pas encore fait !

Un jour, poussé par l’envie de goûter à « l’authenticité », je me suis aventuré dans ce joyeux bazar. À peine arrivé, une main bienveillante me tend une chope remplie jusqu’au bord. Pas d’hésitation. À Musaga, refuser une chope serait aussi grave que ne pas saluer une vieille tante.

Le vin de banane ou la bière de sorgho ?

Je m’assois sur ce qui semble être un banc, qu’on appelle « banc de chance », parce que quand on s’y assoit, on ne rentre jamais avec la soif. Mais la gymnastique pour poser son derrière sur ces morceaux de bois ressemble plus à une épreuve de Fort Boyard. Le bois craque, je m’accroche et je savoure l’instant. Devant moi, des brochettes de viande grillée rôtissent au-dessus des braises incandescentes, tandis que des effluves d’i Kwete (bière de sorgho) chatouillent mes narines.

Je commande une assiette de Nyama choma (viande grillée) accompagnée d’Akarobe. Mais voilà, tenter de manger tout en tenant une chope de bière traditionnelle à la main, c’est un sport de haut niveau. Je renverse quelques gouttes par terre, probablement un hommage involontaire aux ancêtres.

Une dame assise à côté de moi remarque mon défi culinaire et me glisse, hilare : « Si la nourriture n’est pas accompagnée de la bière, tu n’es pas d’ici, c’est que tu es dans le mauvais quartier ! » Et je dois avouer, elle a raison. Même ma brochette semble avoir pris une petite cuite.

La soirée avance, les chopes se vident, et voilà qu’un débat s’enflamme : « Le vin de banane est meilleur ! » « Non ! La bière de sorgho est plus proche des traditions ! » Personne ne gagne ce débat. À vrai dire, tout le monde est trop occupé à trinquer pour se soucier de la discussion.

Au diable la modération !

Les pupilles se régalent, le foie fait des heures supplémentaires, et le sol est de plus en plus trempé, victimes des maladresses des buveurs de plus en plus éméchés. Mais à Musaga, tout le monde s’en fiche. Ici, chaque repas est une célébration, et chaque chope est une invitation à la bonne humeur.

Même le lendemain, quand l’estomac commence à envoyer une plainte formelle, on sait qu’on reviendra. Parce qu’on ne visite pas Musaga, on s’y intègre. On partage, on rit, on boit, et surtout, on accepte que parfois la frontière entre boire et manger est aussi floue qu’une soirée bien arrosée.

La seule question qui reste en suspens est de savoir si la prochaine fois que je m’assiérai sur le fameux « banc de la chance », il tiendra le coup. Plus important encore, Musaga m’a-t-il définitivement adopté ? Une chose est sûre, je reviendrai avec une chope à la main et le sourire aux lèvres.

 

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Les commentaires récents (1)

  1. Grand merci Thibault pour ce beau texte descriptif de notre cher MUSAGA. C’est le quartier gardien de la culture du Burundi. (Temple de la culture)