On a ri, on a jugé, on a haussé les épaules… puis on a fini par suivre. Les pantalons déchirés qu’on réservait aux fous, les chaussettes dans les claquettes qu’on associait aux désœuvrés, les Crocs qu’on croyait bannies à jamais, tous ces vents de mode ont soufflé, parfois fort, et ont toujours fini par s’installer. Mais aujourd’hui, un nouveau coup de vent décoiffe les consciences : les bonnets de nuit et de douche, portés à la lumière du jour. Et si c’était ça, le durag féminin ?
Burundi, 2025
Quelque part à Bujumbura, une fille descend d’un taxi-voiture. Jean troué aux genoux, Crocs aux pieds, et… bonnet de nuit solidement attaché sur la tête. Satin lisse, couleurs pastel, pas de tentative de dissimulation. Elle avance. Tranquille.
Il faut le savoir : au Burundi, quand une tendance souffle, elle ne vient pas chuchoter. Non. Elle claque la porte, envahit les salons, déchaîne les groupes WhatsApp, provoque des sermons pendant les repas, et fait dire à des mères excédées : « Tu n’iras nulle part habillé comme ça ! ». Mais comme par miracle, quelques mois plus tard… tout le monde suit.
Never say never
On l’a vécu avec les pantalons déchirés. Les tout premiers porteurs ont failli se faire « chasser de la maison ». Une tante scandalisée hurlait : « Gusohoka wambaye impuzu itabutse ? Uri umusazi ? ». Et pourtant, quelques saisons plus tard, même les plus sages s’y sont mis. À la messe. À l’université. En date.
Puis est arrivé le combo chaussettes-claquettes, qu’on traitait de délit esthétique. Résultat : aujourd’hui, c’est presque un uniforme. Et que dire des Crocs ? Celles qu’on réservait aux infirmières ou aux grand-mères de la campagne sont désormais aux pieds des influenceurs, même lors des mariages. Oui, avec imvutano, svp !
Pas les turbans sophistiqués des mamans born again, ni les foulards noués façon afro-chic. Non. On parle ici des bonnets de nuit. Les vrais. Ceux qu’on mettait en cachette pour dormir, qu’on enfilait vite-fait pour protéger ses nattes, et qu’on n’aurait jamais osé porter devant son crush.
Et pourtant, ils sont là. En plein jour. Sur les têtes des jeunes filles, des étudiantes, des commerçantes, des passantes. Au marché. Dans les bus. Au travail. Et parfois même… dans les mariages. Oui, tu as bien lu.
Mais on oublie vite
« C’est quoi encore cette mode ? », râle un cousin, tout en glissant ses pieds dans ses claquettes Adidas, chaussettes remontées bien haut. Comme quoi, en matière de mode, on a la mémoire sélective.
Et puis, il y a Stacy*, 24 ans, une amie au look assumé : jeans déchirés, Crocs fleuries et bonnet en satin. Elle lâche, sans complexe :
« Je porte mes pantalons troués parce que j’aime. Mes Crocs parce que c’est comfy. Et mon bonnet, parce qu’il protège mes cheveux. Tu sais, le durag, à la base, c’était pour dormir. Aujourd’hui, c’est stylé. Alors pourquoi pas le bonnet de nuit ? Peut-être que ce sera le durag des femmes ». Elle rigole, puis ajoute :« Les Afro-Américains font leurs courses en pyjama. Et nous, on panique pour un bonnet ? Tchh, on doit respirer un peu, hein ».
Et elle n’a pas tort, parce qu’au fond, la mode, ce n’est pas une question de bien ou mal, de correct ou fou. C’est une affaire d’expression, de timing, de culot aussi. Ce qu’on rejette aujourd’hui, on l’embrasse demain. Il suffit d’un peu de patience. Et d’un bonnet bien mis !
Alors, à toutes celles qui portent leur bonnet de nuit en plein jour : courage. Tenez bon. Dans quelques mois, on vous imitera. On dira que c’est chic vintage, ou authentique afrofuturiste. C’est toujours comme ça. Car, si une chose est sûre dans le monde de la mode, c’est qu’il ne faut jamais dire jamais. Et surtout pas au Burundi, où les vêtements parlent souvent plus fort que les mots.