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Makamba et les damnés de la terre

Nous avons le verbe long quand il s’agit de maudire. Nous avons la langue fourchue quand il s’agit  de médire. Nous savons innover quand il faut faire du mal aux autres. Et quand vient le moment de se regarder dans un miroir, nous nous inventons des excuses. Entre un jeune dans la fleur de l’âge qui meurt accidentellement et  cette société qui ne sait pas comment lui éviter le danger, qui devons-nous blâmer ? La tragédie de Kayogoro (Makamba) devrait nous servir de leçon. Coup de gueule.

 La semaine dernière, Kayogoro est sortie de l’anonymat de la pire des manières. Certains médias s’en sont délectés. Les réseaux sociaux se sont carrément vautrés dans la fange. Certains sont tombés si bas qu’ils sont allés jusqu’à déverser sur le net des memes, les uns plus ignobles que les autres pour se moquer sans vergogne des pauvres jeunes  qui entraient à peine dans l’adolescence. Du jour au lendemain, nous les avons relégués au ban de la société, des vrais damnés de la terre !  Il y en a même qui ont fait fort dans la bassesse, ont pris le communiqué d’enterrement du jeune parti dans la fleur de l’âge et l’ont utilisé dans des blagues nauséabondes. Ces ‘’putes à clic’’, comme un ami cher les appelait, n’ont rien à foutre de la douleur de la famille du disparu. Ils ont amusé la galerie, ils ont ri du malheur de l’autre. Nous sommes peinés de voir qu’il y a des jeunes qui ont participé, ad nauseam, à l’orchestre de cette cabale médiatique contre des jeunes qui n’ont commis qu’une seule faute : celle de ne pas être informés, de ne pas savoir. A force de rire de tout et de n’importe quoi, nous nous défaisons de ce qui fait l’essence de l’humain : ubuntu

Tous coupables !

Donc un des enfants de Kayogoro âgé seulement de 23 ans  est mort, et tout ce que les fous du  clavier ont trouvé de mieux à faire est de s’amuser de cette situation ! Une autre enfant de 17 ans, qui venait d’assister à la scène, a été arrêtée et personne ne s’est ému de cette situation.  Tout ce qu’on trouve à dire est qu’elle sait encaisser ! Nous sommes où ? Le tribunal du net a tranché, cela même avant que l’enquête de la police n’aboutisse, que le garçon avait consommé des aphrodisiaques. Mais personne ne s’est mis à la place de la jeune fille, mineure de surcroît, pour imaginer comment elle se sent après que tous ces malheurs lui soient tombés  sur la gueule. Elle est devenue l’enfant terrible de Kayogoro, la dévergondée qui souffre de boulimie sexuelle, la risée de tout un pays. Mais a-t-on au moins pris une minute pour se demander quel motif a-t-elle été arrêtée ? La soupçonne-t-on d’avoir tué son petit ami alors que les informations préliminaires indiquent qu’ils étaient en train de s’accoupler au moment où le garçon est mort ? N’aurait-il pas été judicieux si cette fille avait été confiée à un psychologue  ou à une maman d’âge mûr en attendant la suite des événements ?  En ne faisant rien, ou plutôt en  laissant passer ces blagues assassines, nous nous rendons tous coupables des errements de cette société en manque de repères.

Et la responsabilité dans tout ça ?

On se souviendra d’un cas semblable qui est arrivé à Muyinga, il y a plus d’une année. Il a été dit qu’un motard, qui avait un rendez-vous avec une femme, a pris une chambre à l’hôtel et a consommé des aphrodisiaques en attendant sa venue. Quand la femme est entrée et qu’elle a remarqué la proéminence inquiétante du sexe de l’homme, elle s’est enfuie. Le monsieur est décédé par après. Malheureusement, la femme a été arrêtée, comme si elle avait  une de responsabilité dans la mort de cet homme. Où se situe la responsabilité des femmes et filles  dans ces histoires ?, est-on tenté de se demander.

Les éminences grises en sciences du droit vont nous corriger si nous nous trompons, mais pour qu’il y ait infraction, il faut que 3 éléments soient réunis :

-élément légal ;

-élément matériel ;

-élément moral ou l’intention.

Difficile de retrouver un seul de ces éléments dans ces cas, puisque la loi ne prévoit pas l’infraction de consommation des aphrodisiaques. Ensuite, la femme n’a en rien contribué à la mort du jeune homme qui a consommé ces substances de son propre chef, même si la fin a été tragique. Permettez-nous donc, chers lecteurs, de répéter la question encore une fois : où se situe la responsabilité de la femme ou de la fille  dans ces histoires ?

C’est facile de condamner

La seule responsabilité facile  à établir est celle de la société. Cette société qui ne trouve pas les mots justes et les moments opportuns pour parler de la sexualité aux jeunes dans des langages qu’ils comprennent. Prenons pour acquis que le malheureux jeune de Makamba avait consommé des aphrodisiaques. Serait-il décédé, si on lui avait parlé des conséquences, des risques possibles de ces substances sur sa santé, lui qui était encore si jeune ? Aurait-il osé, si on lui avait dit que, pris à  forte dosée, ces médocs peuvent entraîner des complications cardiaques, voire la mort ?  Si on ne leur en parle pas, deviennent-ils coupables parce qu’ils ne savent pas ? C’est facile de condamner. C’est idiot de tourner en dérision le malheur des autres. C’est con de ne pas avertir l’autre du danger qui le guette.

 

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