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Mahama-Burundi : récit d’un retour au pays natal

Patrice Miburo fait partie du premier convoi de près de 500 réfugiés burundais revenus du camp de Mahama en date du 27 août 2020. Aujourd’hui âgé de 42 ans, cet originaire de la province Cibitoke, s’envole en mai 2015 pour le Rwanda. Il rejoint alors sa femme partie plus tôt avec ses enfants. La vie au camp, les circonstances du retour, ce père de quatre enfants se confie. 

Dans un premier temps, l’accueil chaleureux à Gashonge nourrit l’illusion d’un futur bon séjour au pays des mille collines. Les conditions de vie des réfugiés n’y sont pas vraiment très déplorables. C’est lorsque les autorités rwandaises optent pour notre transfert au camp de Mahama que commence le calvaire.  5 cuvettes de maïs et 3.5 kg de haricot par individu, c’est tout ce qui est offert pour joindre les deux bouts du mois. Certains ne s’adaptent pas et foutent le camp, en débandade : Kenya, Ouganda ou retour au Burundi. 

La saison des vaches maigres va perdurer jusqu’en 2018. C’est à cette époque qu’un système monétaire est adopté comme solution. Désormais, chacun percevra 5400 francs rwandais par mois. Un vrai soulagement. Cependant, après trois ou quatre mois, les prix sur le marché flambent.  Un sac de farine de maïs dit « kaunga » qui se vendait à 7500 Frwa atteint les 18000 Frwa. Nos billets d’argent deviennent des papiers sans valeur.

Après rédaction d’une lettre par nos enfants, au président du Burundi, pour solliciter notre retour, les choses se précipitent. Les listes des signataires confectionnés en catimini s’allongent du jour au jour malgré les intimidations. Ces dernières faisaient état de fosses communes qui nous attendent pour nous servir de tombeaux. Certains, pris de peur, se sont fait rayer de la liste.

Cap plein Sud 

Les trois derniers jours, je passe des nuits blanches. La joie, la peur, la nostalgie, tous se mêlent et se traduisent en insomnie. Le jour J, tout le camp est déjà réveillé et en vacarme à 3h du matin. Rapidement, une longue queue se met en place. Des « Bon voyage nos chers amis », des « racontez- nous votre aventure au pays ! » fusent. Les uns sont contents de notre départ en précurseurs, d’autres sont inquiets voyant en notre démarche une crédulité aveugle.

A la frontière, où des bus rwandais nous déposent, je me projette loin devant nous. Des hommes et femmes en civile, la police, l’armée, des bus OTRACO, des voitures multicolores, nous fixent, provoquant des cris de joie. 

Après toutes les formalités à la migration, on traverse la frontière pour fouler le sol burundais. À deux reprises, une grosse boule de je ne sais quoi manque de peu de m’étouffer.  Quand les paroles du morceau Reka ntahe (Je rentre, ndlr) me parviennent ou quand j’ai le droit de toucher le drapeau national, c’est l’image d’une femme divorcée qui rejoint son époux qui me traverse vite l’esprit. Et j’éclate en sanglots.

Embarqués pour l’intérieur du pays, le chemin repris, respirant l’air frais, sentant l’odeur du pays natal, le tout rythmé par les applaudissements harmonieux des populations amassées le long de la route, nous gagnons le centre de transit de Songore.

Une chose me manque encore : me rasseoir dans l’arrière-cour de ma maison, au clair de la lune, entouré des miens, en train de manger l’uburobe au Ndagala assaisonné des tomates de Rugombo.

Bonjour,
Avez-vous deux minutes ?
Yaga voudrait vous solliciter pour remplir ce questionnaire en rapport avec l’aide au développement au Burundi. Nous garantissons votre anonymat et les données recueillies seront ensuite détruites.

 

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