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L’Indélébile blessure de l’histoire

Les crises que traverse le Burundi laissent de graves blessures qui affecteront les générations futures. Le blogueur Rivardo Niyonizigiye nous fait part du témoignage d’une victime des crises antérieures dont la blessure est encore vive.

C’est  le matin. Nous sommes sur une colline  d’une province de l’ouest du pays. Mes co-équipiers et moi avons déjà commencé notre théâtre-forum, style interactif. Le fond de la pièce, ce sont les crises cycliques qu’a connues le Burundi.  A la fin, les spectateurs ont droit à la parole. La foule nous suit attentivement. Je suis le modérateur du jour. La première partie se termine. Place à la deuxième, qui permet de savoir si tout le monde a compris notre message.

Les interventions débutent. Des jeunes s’expriment. Parfois, la lourdeur des mots, la profondeur de leurs pensées dépassent de loin leur âge. C’est compréhensible. C’est une province affectée par la crise des années 1990. Loin, dans un coin, se trouve un vieillard qui lève le doigt timidement. Il vient juste d’arriver. A-t-il suivi la partie ? Que va-t-il nous raconter ? Lui donner la parole ou pas ? J’hésite. Il insiste quand même.  Certes, c’est notre « bibliothèque, archive d’histoire ».  Il prend la parole avec toute son énergie : « Mwananje, Ivyo Micombero yatugiriye, ivyo Buyoya yatugiriye, ntibigasubire kuvurwa ngaha iwacu. » (Ce que Micombero a fait, ce que Buyoya a fait, plus jamais ça sur notre colline !). Il se met à raconter les crimes des années sombres. « Il faut lui couper la parole ! », chuchotent les membres de ma troupe.  Je me dis qu’il faut qu’il parle de tout pour se décharger. C’est une blessure morale, une blessure de l’histoire. C’est sûr que le pays a des gens blessés comme lui.

À la fin de la session, je monte dans la voiture. Ah ! Le vieil homme m’a suivi ; il m’empêche de fermer la porte. « Mwananje, genda ubabwire, ntibagoke kumahasa yanje. Icenda na gatatu bishe umuperezida wacu, bacabanyicira imfura yanje. None ubunaho, ntibakore kumahasa yanje. Genda ububabwire ndabigusavye. » (Mon fils, vas ! Et dis leur de ne pas toucher à mes jumeaux. Ils ont tué notre président en 1993 et ils ont tué mon fils aîné. Et maintenant mes jumeaux ? Non ! Vas ! Et dis leur, je t’en supplie», insiste-il.

Un sentiment de pitié envahit tout mon être. Je jure de le faire pour qu’il accepte de retourner chez lui. Mais je n’arrête pas de me demander comment les jeunes interpréteront les propos de ce vieillard. Beaucoup ne connaissent pas notre histoire.

A-t-il dit vrai ? Je n’en sais rien. Encore une fois, je venais de constater les dangers qui guettent un pays avec une histoire floue. Les jeunes n’ont qu’à se contenter de ce que les parents leurs transmettent, avec tous les risques que ça comporte : hériter juste des blessures, une histoire biaisée selon le vécu de tel ou tel autre parent.

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Les commentaires récents (2)

  1. c’est pourquoi il semble difficile de sortir dans cette crise burundaise.il fallait un retour en arrière pour calmer beaucoup des âmes fatigués afin de trouver par après des solutions aux problèmes actuels.

  2. Merci beaucoup Iratwibutse pour votre opinion. Il est vrai que le pays connait ces crises cycliques à cause de cette mauvaise gestion des conflits. Mais, quelle est votre suggestion sur comment s’effectuerait ce retour en arrière que vous proposez? Dans quelle voie?