Contrairement aux habituelles frictions entre les représentants du pape au Burundi et les princes qui nous gouvernent, la dernière homélie du prélat du diocèse de Gitega est passée comme une lettre à la poste. De quoi étonner une certaine opinion habituée aux passes de mots ces dernières années. Le point.
Depuis 2005, à la fin de l’année et dans d’autres occasions, des rendez-vous de ce genre sont organisés, avec la participation d’une pléthore d’autorités. Ces croisades de Gitega ou du parti de l’aigle sont devenues une habitude. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est l’homélie qu’a réservé à l’audience le doyen des évêques catholiques du Burundi encore en activité, lors de la dernière croisade de trois jours organisée par le parti présidentiel. J’ai nommé, le plus médiatique des évêques, Mgr Simon Ntamwana, connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche.
Ce jour-là, nous sommes le 20 janvier 2021, il ne dérogera pas à la règle. Dans son homélie à l’occasion de l’ouverture de la croisade, il ne manquera pas de glisser, ou devrais-je dire, d’insister sur le respect des droits de l’homme et sur l’éthique devant guider les hommes de Dieu. Notamment lorsqu’il dénonce la volonté d’intégrer de force les Burundais dans le camp présidentiel. Et de pointer du doigt les enlèvements des personnes dans des termes claires et directs qui ont étonné plus d’un : « Les enlèvements d’individus soupçonnés d’être à l’origine de troubles blessent profondément la population. Vous pouvez œuvrer à la paix et à la sécurité sans vous attirer la malédiction sur votre passage ».
Dans le même cadre, c’est aussi le prêtre de la paroisse Saint François d’Assise de Magarama qui appellera nos princes à travailler pour sortir la population de la pauvreté. Mais pour cela, dira-t-il, il faut en finir avec l’égoïsme. « Impensable, une autorité qui se la coule douce alors que ses sujets crèvent de faim. Ce sont ces derniers qui viendront voler tes biens. Ce sont ces derniers que tu accuseras qu’ils ne t’aiment pas. Ce sont ces derniers que tu écarteras avec l’aide des chargés de la sécurité au moment de ton passage ». Et de fustiger l’achat des voitures V8 dans un contexte de famine et de manque des enseignants.
Un accueil de l’audience qui tranche avec le passé
Il faut justement le rappeler. Dans un passé pas si lointain, de telles déclarations ne seraient pas passées inaperçues et auraient suscité un tollé. En tout cas chez les partisans du parti au pouvoir. Nous avons tous en mémoire les guéguerres qui nous étaient servis chaque fois que les hommes de l’église sortaient un communiqué critique de la gouvernance du pays. Pour Gitega, la pilule avait du mal à passer tandis que les prélats défendaient leur rôle de pasteurs, d’Abungere b’intama z’Imana.
Par ailleurs, nous nous souvenons tous de la référence aux esclaves chère à Ntamwana en 2015 et qui avait été reprise en boucle par les contestataires du troisième mandat du feu Pierre Nkurunziza.
Que s’est-il donc passé entre temps ?
Evidemment, les contextes ne sont plus les mêmes. Depuis 2015, beaucoup d’eaux ont coulé sous le pont. Est-ce une nouvelle dynamique ? En tout cas, il n’ya pas eu d’envolées verbales des caciques du régime auxquelles on était habitué.
Il ne faut pas oublier non plus que le pays de Mwezi a, à sa tête, un président proche des milieux catholiques tandis que son prédécesseur était un « born again », plutôt proche des milieux évangélistes. Ce n’est probablement pas le seul facteur explicatif, tant le jeu politique est des plus complexes. Cela dit, les relations entre Gitega et les prélats catholiques ne sont plus ce qu’elles étaient ces dernières années, et on ne peut que s’en féliciter.