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Lettre d’un sourd : « Chers Burundais, apprenez la langue des signes »

Au Burundi, le manque d’informations en langue des signes marginalise les personnes sourdes et les empêche d’avoir accès à divers services. Alors que le 23 septembre de chaque année est célébrée la journée internationale dédiée à la langue des signes, un sourd vous interpelle sur l’importance d’apprendre et d’intégrer la langue des signes dans vos services, via cette missive.

Chers Burundais,

Vous nous appelez à tort « sourds-muets ». Même si nous sommes sourds, nous ne sommes pas muets. Nous parlons, certes dans une langue qui ne se parle pas comme vous, avec la bouche, mais qui se signe dans l’espace avec les mains, les yeux et tout le corps. Seul bémol, cette langue ne vous est pas familière et entraîne une incompatibilité langagière avec vous.

Certains estiment que cela ne sert à rien de l’apprendre. Je les comprends. Avec environ 1224 sourds que comptait le Burundi en 2019, c’est 0,1 % de la population. Toutefois, compte tenu des objectifs de développement durable qui prônent de ne laisser personne derrière, l’apprentissage de cette langue est plus qu’importante.

Pour le comprendre, jetons un œil à l’histoire de Catherine que Yaga nous a racontée en 2021. Elle nous témoigne comment les sourds sont souvent victimes d’exclusion dans la société, à cause des difficultés de communication qu’ils rencontrent, que ce soit dans le cercle familial ou dans la société de manière générale. Sourde, cette jeune fille de 16 ans de la colline Nyangungu, commune Mutaho, a été violée et incomprise lors de ses procédures médicales et judicaires. Le médecin et l’OPJ ne connaissant pas la langue des signes, n’ont pas pu faire l’expertise médicale et la confrontation avec son agresseur, et au final, c’est l’agresseur qui s’en est sorti gagnant. Triste n’est-ce pas ? L’histoire a brisé le cœur du médecin, qui s’est mis à apprendre cette langue, afin de venir en aide aux personnes sourdes.

Signons partout

Comme le thème de cette année, je rêve d’un Burundi où les personnes sourdes peuvent signer partout. Au centre pour déficients auditifs de Mushasha à Gitega ou au centre des sourds EPHATHA à Gihosha, nous apprenons votre langue en le signant. Et vous, pourquoi ne pas adapter votre langue à la nôtre pour notre bien ?

Ce qui ne manque pas, ce sont les conséquences. Les enfants sourds évoluant dans une famille entendante par exemple, peuvent se sentir coupés de leur environnement, du fait que certaines paroles leur échappent. Souvent, ils le ressentent comme une mise à l’écart, et peuvent avoir tendance à se replier et à vivre en solitude avec le risque psychologique de renfermement sur soi, sans oublier les difficultés relationnelles à l’adolescence. 

Et dans le pays, les enfants qui ont appris cette langue des signes s’expriment dans une société qui ne connaît pas cette langue, entraînant découragement, frustration ou encore la colère. Et ce qui fait mal, la société n’est pas consciente de ces difficultés ou les minimise.

Des exemples à suivre

Des modèles à suivre, il y en a au pays. À l’Eglise catholique Saint François d’Assise de Magarama, il y a la messe en langue des signes, et les sourds-muets peuvent prier. Nous pouvons même suivre le journal à la télévision nationale. À l’Hôpital Régional de Gitega, des médecins et infirmiers ont appris cette langue et peuvent nous soigner, sans recourir aux membres de la famille et amis, ce qui violait notre droit à la vie privée. Via cette missive, j’interpelle d’autres services à suivre l’exemple de ces modèles.  

Cher Burundais, apprendre la langue des signes fait partie d’un effort national qui est indispensable pour que nous, personnes sourdes, ayons accès à la vie de la communauté et à des services que la plupart des gens considèrent comme allant de soi.

Cordialement.

 

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