Les Pays-Bas sont réputés être une nation où la prostitution est autorisée. Mais on a vu récemment un certain nombre de cas d’activités criminelles et de trafic humain. Le gouvernement néerlandais a répondu à ces activités illégales en introduidant une législation destinée à surveiller de plus près l’industrie du sexe.
– La prostitution est-elle légale aux Pays-Bas ?
Oui, c’est un exemple de l’approche pragmatique des affaires sociales caractéristique du système législatif néerlandais. La prostitution en elle-même n’a jamais été reconnue comme un crime aux Pays-Bas. Les bordels et le proxénétisme étaient interdits, mais en octobre 2000 les interdictions ont été levées du Code Pénal.
-Comment est légiférée l’industrie du sexe ?
L’industrie du sexe est réglementée par une loi du travail classique, qui favorise la
protection des employés contre l’exploitation. Les prostitués ont leur propre syndicat. Dans le futur, les opérations commerciales de services de prostitution, comme les agences d’escortes, feront l’objet de licences. Tous les prostitués travaillant à leur compte doivent être enregistrés et le gouvernement veut que l’acte de racolage dans un cadre illégal soit considéré comme une infraction.
-Pourquoi une telle législation est-elle nécessaire ?
Les mesures sont nécessaires et il y a déjà trop d’abus commis dans le secteur de la prostitution. L’existence du trafic humain est l’un des problèmes majeurs. Ce sont les différences au niveau municipal et régional en matière de supervision et d’application de la loi qui favorisent de tels abus. Actuellement, peu de communes demandent une licence pour les services d’escortes, la majorité n’a pas encore une telle politique. Les responsables de réseaux vont vers des municipalités où les licences ne sont pas exigées et où la supervision est moins stricte.
-Est-ce que le gouvernement projette de légiférer ?
Oui, le gouvernement souhaite des règles obligatoires pour toutes les formes de prostitution. Ces règles seront regroupées dans une loi-cadre sur les licences pour la prostitution, qui est en préparation chez les ministres de l’Intérieur et de la Justice. Cette législation constituera la base sur laquelle les municipalités pourront élaborer leur politique en matière de prostitution. L’utilisation commerciale de la prostitution fera l’objet de licences et la loi-cadre stipulera les conditions minimum auxquelles les licences doivent être assujetties. Le gouvernement souhaite que les activités de l’entrepreneur soient le plus possibles exercées à une seule adresse, avec un numéro de téléphone fixe et dans une municipalité déterminée.
En plus de la licence requise applicable au secteur d’escortes, un système d’enregistrement national sera introduit pour le secteur. L’enregistrement est requis lorsque les services d’escortes n’exercent pas à une adresse fixe et se trouvent sur plusieurs municipalités dans le cadre de leurs activités. Un registre national rendra la tâche de supervision et de renforcement moins complexe. Sous cette nouvelle législation, les prostituées qui offriront leurs services sexuels dans le commerce des escortes ou à domicile sans l’implication d’un entrepreneur doivent s’enregistrer elles-mêmes ou obtenir une licence avant de pouvoir offrir leurs services.
-Quel est l’objectif des projets du gouvernement ?
Le but du gouvernement est de mettre en place un système complet de licences et d’enregistrements dans le secteur de la prostitution étendu sur tout le pays. L’accord de coalition permet une approche personnelle des clients qui acceptant les services sexuels de victimes de trafic humain ou de prostitués qui résident illégalement aux Pays-Bas Un règlement strict permettra aux clients de faire la différence entre la prostitution légale et illégale. Auparavant, le gouvernement souhaitait pénaliser l’acte d’utiliser les services d’entrepreneurs non licenciés ou de prostitués non enregistrés. Le renforcement de toute disposition pénale est bien entendu un point important d’attention à cet égard.
-Pourquoi l’interdiction des bordels a-t-elle été levée ?
Les bordels ont été interdits aux Pays-Bas en 1911 afin de protéger les prostitués d’une quelconque exploitation. Cependant, l’interdiction n’a pas été appliquée ces 50 dernières années. Une action était uniquement entreprise contre les bordels et les sex-clubs qui trempaient dans des activités criminelles ou qui perturbaient l’ordre public.
Pour mettre fin aux abus dans l’industrie du sexe, les Pays-Bas ont décidé de changer la loi pour refléter la réalité de tous les jours. Maintenant, il est légal d’employer des prostitués qui sont majeurs, qui travaillent de leur propre gré, mais des mesures plus strictes ont été prises dans le cadre pénal pour éviter l’exploitation. La législation sur les bordels permet au gouvernement d’exercer plus de contrôle sur l’industrie du sexe et de noter les abus.
-Qu’est-il fait pour se protéger du trafic humain ?
Par leurs inspections régulières afin de s’assurer que les bordels sont conformes aux conditions de licences, la police est à même de relever des signes de trafic humain. Elle obtienne des informations inestimables qui peuvent être utilisées d’emblée pour tracer et poursuivre les malfaiteurs dans les deux secteurs régulés et non régulés.
Une ligne téléphonique spéciale a été ouverte afin que toute personne puisse rapporter anonymement des activités suspectes. L’article 250a du Code criminel, qui interdit le trafic humain et l’exploitation de prostitués, est appliquée strictement. Les autorités chargées de faire appliquer la loi aux Pays-Bas donnent la priorité à la lutte contre le trafic humain, l’exploitation des prostitués et l’emploi de mineurs dans la prostitution.
Les Pays-Bas soutiennent des projets internes et à l’étranger qui ont pour but de prévenir le trafic humain. Ils s’attellent également au problème du partenariat avec d’autres membres de l’Union européenne.
-Quel a été l’avantage de la légalisation des bordels pour les prostitués ?
La légalisation des bordels a plusieurs avantages pour les prostitués. Cela signifie que les autorités locales peuvent publier des arrêtés sur la sécurité, l’hygiène et les conditions de travail dans les bordels. Des bordels peuvent être interdits d’obliger les prostituées à consommer de l’alcool avec leurs clients, ou de les obliger à avoir des rapports non protégés ou d’exécuter certains actes sexuels. Ils peuvent être contraints à autoriser l’accès non limité dans leurs locaux aux services de santé ou à des groupes de surveillance.
-Les prostitués sont-ils reconnus comme des employés légitimes au yeux de la loi ?
Oui, la prostitution est reconnue désormais comme une occupation légitime. Donc les prostitués ont maintenant les mêmes droits et obligations que toute autre profession. Les propriétaires de bordels ont travaillé dans le flou pour de nombreuses années, car la législation ne leur était pas appliquée. En conséquence, la relation de travail entre les prostitués et leurs employeurs diffère de cela dans d’autres secteurs. C’est aux parties elles-mêmes à définir leurs positions, depuis que c’est un domaine dans lequel le gouvernement n’a pas beaucoup d’influence.
– Les prostitués ont-ils des contrats de travail ?
La plupart des propriétaires de bordels sont réticents à proposer des contrats de travail. La logique veut qu’ils offrent des services aux prostitués indépendants, ce qui les exempte de payer un impôt sur le revenu ou des cotisations sociales. Les autorités peuvent, de toute façon, vérifier la nature des relations de travail et agir contre quiconque opérerait sous de faux-semblants.
Les droits des prostitués sont plus explicites, et l’industrie du sexe a affaire maintenant aux lois du travail. Elle connaît les mêmes obligations que dans tout autre secteur, en ce qui concerne les impôts et les cotisations sociales. Le gouvernement publie des dépliants pour les prostitués et leurs employeurs, contenant des informations sur l’assurance sociale et d’autres sujets du même genre. Ils examinent les avantages comparatifs du salariat et de la propre entreprise, et leurs droits et obligations respectifs.
-Quelle a été l’influence de la suspension de l’interdiction des bordels sur l’industrie du sexe ?
Une étude a été menée deux ans après la suspension de l’interdiction des bordels, mais il était encore trop tôt pour tirer des conclusions sur son impact. La réhabilitation d’un secteur qui a opéré illégalement pendant près d’un siècle demande plus que des nouvelles lois ou une nouvelle politique. Les prostitués et leurs employeurs ont besoin d’être suffisamment informés sur leurs droits et leurs obligations, et la position sociale ainsi que le statut des prostitués doivent être améliorés. Le résultat de l’étude sera utile dans ce processus.
– La police a-t-elle le droit de tenir un registre de prostitués ?
Non. Ce serait contraire aux diverses lois sur la protection de la vie privée. Cependant, la police a le droit de tenir un registre temporaire pour des objectifs spécifiques, comme par exemple pour faire des recherches sur le trafic humain. Elle est obligée de faire un rapport sur ce dossier à la commission chargée de la protection des données.
– Mais maintenant, Amsterdam veut restaurer l’interdiction de racolage. Pourquoi ?
Le maire d’Amsterdam, Job Cohen, dit que cette interdiction est nécessaire pour prévenir l’exploitation et le trafic humain, et voit en cela la prochaine étape en vue de mettre de l’ordre dans le quartier rouge (Red Light District). Il y a 10 ans, une commission parlementaire avait établi que le quartier était entre les mains d’environ 16 personnes qui avaient “un passé et/ou des contacts criminels sérieux”. Ces dernières années, le nombre d’histoires circulant sur le trafic humain est en augmentation ainsi que la prostitution forcée dans le quartier rouge. Le maire et le conseil municipal en ont conclu que le quartier n’était plus une attraction touristique dont ils pouvaient être fiers.
M. Cohen pense que la légalisation de la prostitution aux Pays-Bas il y a 7 ans n’a pas eu les effets escomptés. De nombreus prostitués ne sont pas devenus des “employés ordinaires” ou des entrepreneurs, mais sont toujours exploités. C’est pourquoi le maire a réclamé une interdiction du racolage.
– Qu’en est-il de la prostitution dans le reste du pays ?
En 1999, on estimait le nombre de prostitués aux Pays-Bas à 25.000, dont 12.500 travaillant constamment sur un nombre total de 6.000 emplacements. Beaucoup d’entre eux sont des immigrés. Dans les années 70, la majorité des prostituées étrangères venait de Thaïlande ou des Philippines, dans les années 80 elles venaient d’Amérique Latine et des Caraïbes. Après la chute du mur de Berlin à la fin des années 80, de nombreuses filles sont venues de l’Europe Centrale et de l’Est.
Moins d’un tiers étaient des Néerlandaises, et 44 nationalités étaient représentées. La majorité venait de la République Dominicaine, de Colombie, de la République tchèque, de Roumanie et de Pologne. On ne dispose pas de chiffres des sans papiers.
A cette époque, on estimait que 5% des prostitués étaient des hommes et 5% transsexuels, la majorité étant des immigrés. 10% de toutes les prostitués étaient des drogués, dont la majorité étaient des Néerlandais ou ayant été Néerlandais.
Il n’existe pas d’estimations récentes sur le nombre de prostitués aux Pays-Bas. On suppose que leur nombre est en déclin des dernières années, à cause des inspections fréquentes de bordels sous licence par la police et les employés du fisc.
– Comment est répartie la prostitution aux Pays-Bas ?
La prostitution existe dans près d’un tiers des municipalités néerlandaises. Elle est concentrée dans et autour des grandes villes et dans les banlieues dans les régions du Limbourg, de Groningue, de Twente, du Brabant de l’Ouest et de la Zélande.
La prostitution existe sous plusieurs formes: prostitution de “fenêtre” et de rue, des clubs, des agences d’escortes et de la prostitution à domicile. La prostitution de “fenêtre” existe dans 12 villes des Pays-Bas. On estime qu’il y a en moyenne 2.000 prostitués qui travaillent quotidiennement sous ce type de prostitution.
La prostitution de rue existe dans 10 villes néerlandaises et concerne environ 320 prostitués quotidiennement. Entre 3.500 et 4.000 prostitués sont employés quotidiennement dans 600 à 700 clubs et bordels privés.
L’étendue d’autres types de prostitution comme les agences d’escortes et la prostitution à domicile est difficile à chiffrer. La police, les municipalité et les services de santé municipaux ne possèdent pas assez de données à ce sujet. La seule certitude est que la prostitution à domicile concerne au moins 17 municipalités et les agences d’escorte existent dans 28 municipalités au minimum. La police estime que la moitié du nombre total de prostitués femmes ou hommes aux Pays-Bas vient de l’étranger.
– Quel est le pouvoir des autorités locales dans la régulation de la prostitution ?
Les autorités locales formulent leur propre politique sur l’établissement et la location de bordels et peuvent décider s’ils peuvent s’établir ou non, et si oui, à quel endroit. Elles peuvent également refuser l’autorisation de certaines formes de prostitution, comme par exemple les fenêtres. Elles peuvent par exemple retirer une licence ou refuser d’en délivrer une si :
- le propriétaire d’un bordel n’est pas en mesure de produire un certificat d’autorisation de la police délivré par les autorités locales ;
- la location prévue est incompatible avec les projets de zone ;
- le bordel emploie un résident mineur ou illégal ou toute personne soumise à la contrainte ;
- elle nuit à l’intérêt de l’ordre public ;
- elle influe sur la propension à vivre ou travailler dans un quartier.
- La permission de tenir un bordel ne peut pas être refusée pour des motifs éthiques ou de moralité.