Les coups d’État, les guerres interethniques, les rebellions ont marqué l’histoire contemporaine du Burundi. En 2000, les accords d’Arusha ont redonné espoir en de lendemains meilleurs au peuple burundais, y compris à la blogueuse Bella Lucia Nininahazwe. Elle était très jeune au moment de leur signature, mais elle s’en souvient.
Née en 1990, je suis de la « génération de la guerre ». De ces années, j’ai des bribes de souvenirs. Nos voisins du village nous regardaient avec mépris, haine, nous qui sommes des tutsi. Un grand péché à l’époque, une erreur du créateur, selon eux.
J’étais traumatisée par ces dérives extrémistes. J’ai été plongée dans la culpabilité jusqu’au 28 août 2000, date à laquelle une colombe s’est posée au pays : la signature des accords d’Arusha.
J’étais encore petite pour comprendre la portée et l’importance de ces accords. Je voyais ma mère, mes tantes sauter et crier de joie. « Il n’y aura plus de guerre », disaient-elles. Ces textes qui scellaient la paix étaient bien détaillés, clairs et concis. Ils détaillaient les causes, les conséquences des problèmes cycliques qui hantaient le Burundi et leurs solutions.
Un pouvoir rassurant
Accueilli en héros, il était l’homme providentiel. Je n’avais pas encore l’âge de voter, mais je l’aurais choisi lui, Nkurunziza. J’avais réussi à nouer de solides amitiés avec certaines hutu, malgré nos différences et les discriminations qui persistaient.
J’en avais marre des rumeurs d’assaillants qui allaient nous attaquer. J’en avais assez des sons des tirs et, surtout, des va-et-vient de ces soldats qui grouillent partout la nuit. Ils me rendaient folle de panique.
Je voulais la paix. La victoire du CNDD-FDD m’accordait un moment de soulagement. Je me disais : « Au moins maintenant, nous avons un président qui connaît les conséquences de l’injustice. Il sait ce que signifie être au maquis. » Ses discours démagogiques, sa proximité avec le peuple, son appel à la tolérance ne pouvaient que nous séduire.
Il était le président qu’il nous fallait. En 2010, je voulais lui donner la chance de rester capitaine de ce navire qui venait d’échapper au naufrage. Malheureusement, notre chef a lui aussi perdu le cap.
Monsieur le Président
Il est temps de choisir. Vous nous avez partagé vos talents pendant dix ans. Certains ont aimé, d’autres pas.
Rappelez-vous pourquoi vous avez pris le chemin du maquis. C’était à cause du mécontentement, non ? Aujourd’hui, une partie du peuple est mécontente. À votre avis, quelle est la suite ? Ne commettez pas la même erreur que vos prédécesseurs, Monsieur le Président.