Depuis plusieurs mois, des bus font des navettes au pays des milles collines pour rapatrier les Burundais réfugiés au Rwanda. Le retour au pays est le début d’une nouvelle vie tant pour les parents que pour les enfants. Mais pour les élèves rapatriés, tout n’est pas synonyme d’un long fleuve tranquille. Beaucoup d’entre eux se voient refoulés dans les classes inférieures pour une question de niveau. Pour ceux-là, le cœur n’est pas à la fête.
Belyse Mutesi (15ans) est l’une des rapatriés vivant à Kirundo. Avant de quitter le Burundi, nous sommes en 2016, elle était en 3ème année primaire. De retour au pays natal en 2021, le directeur de l’ECOFO Bushaza sise au chef-lieu de la province lui affecte en 5ème. Elle refuse carrément. Elle se rend à l’ECOFO Kamuri, les larmes aux yeux, pour implorer le directeur de l’inscrire en 7ème année mais en vain.
Le cas de Mutesi est un parmi tant d’autres observés chez les enfants rapatriés de Kirundo. Ils sont dans le désespoir, la peur et le découragement. Alice Irakoze, autre jeune écolière de 19 ans ne sait plus être patiente : « J’abandonne l’école. Je ne supporte plus l’idée de retourner en 6eme année alors que je devais être en classe terminale. Je suis découragée ».
Parmi ces jeunes qui rentrent de l’exil, certains acceptent de reculer de classe. « Je ne suis pas mécontent, je sais que mon niveau de français est très bas. Ce n’est pas la faute du directeur », laisse entendre Elvis Bayubahe, un élève de 16 ans.
D’autres parlent d’injustice. Rappelons qu’avant de décider l’orientation, le directeur de l’école consulte d’abord le bulletin de l’année scolaire précédente.
« J’ai essayé de forcer ma fille de redescendre en 5ème année»
Le système éducatif du Rwanda est différent de celui du Burundi. Certains diront même qu’au Rwanda, réussir en classe est moins difficile que chez nous. Mais ce n’est pas évident.
Les enfants ont peur. Peur de ne pas réussir, peur de ne plus avancer de classe. Les mésententes dans certaines familles ont commencé deux semaines avant la rentrée scolaire. Les parents, eux, comprennent l’idée derrière le refoulement de leurs enfants en classes inférieures. « J’ai essayé de forcer ma fille de redescendre en 5ème mais elle n’a rien voulu entendre. J’attends son bulletin de fin d’année », confie l’un des parents avec colère. Aujourd’hui, c’est cette mésentente qui règne dans beaucoup de familles des rapatriés. Les parents en sont arrivés à considérer leurs enfants comme des rebelles. Les enfants considèrent à leur tour leurs parents comme des ennemis.
Et l’administration scolaire dans tout ça ?
L’ordonnance ministérielle N° 610/694 du 07/07/ 2021 stipule que c’est le directeur général de l’éducation nationale qui est censé gérer cette question. Les rapatriés continuant de rentrer, ce sont les directeurs des écoles, les DCE et la commission chargée de l’orientation de ces élèves qui s’en occupent.
Pour remédier à ce problème, des séances de formations de mise à niveau pour ces élèves rapatriés seraient prévues avec le financement de l’ONG World Vision. Mais jusque-là, rien n’est encore sûr. En attendant, les élèves déjà rapatriés suivent les cours, bon gré mal gré.