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KDaGreat! On s’incline, pardonnez-nous !

L’un des meilleurs hit-makers sur le continent africain, KDaGreat, est Burundais. Avec la sortie de One More Night du Nigérian Kel-P, le producteur burundais a (encore) démontré tout son génie. Nous allons nous questionner en tant que peuple : pourquoi avons-nous cette manie de ne pas valoriser nos talents locaux ?

Ça faisait longtemps que j’avais cette idée en tête : revenir sur le travail du producteur burundais, KDaGreat. Avec les préoccupations quotidiennes qui prennent parfois le dessus, il m’a été difficile de me pencher sur la carrière de ce génie de la musique. Il y a quelques mois, avec la sortie du morceau Balance sur le nouvel album More Love, Less Ego de Wizkid (sans doute le meilleur chanteur africain des temps modernes, mais ça, c’est mon point de vue), dont KDaGreat est coproducteur, je me suis dit : « Enfin, Kéké va avoir la notoriété qu’il mérite !». Quelle illusion ! Presque deux mois vont s’écouler sans qu’un média local lui ait accordé une interview. Décidément ce peuple a du mal à reconnaître le génie de ses propres enfants !

Nul n’est prophète chez soi ?

Avant de nous jeter sur nos genoux pour faire le Mea culpa à KDaGreat, faisons un petit retour sur son immense travail. Il est de ces producteurs qui maîtrisent tous les styles musicaux. Écoutez Kata (c’est l’un de mes morceaux préférés produits par « Kéké ») : c’est du hip-hop avec une touche tradi-moderne. Aussi Sogokuru du rappeur légendaire 19TH, le « chef d’orchestre » KDaGreat a usé de la même recette pour nous produire une symphonie magnifique pour les oreilles. De l’afrobeat avec Hafayi de Kidumu, témoigne de la maîtrise de KDaGreat pour ce style reconnu et respecté internationalement.

Mais, ce producteur n’a travaillé qu’avec des chanteurs burundais, pensent sans doute les plus sceptiques. Loin de là ! Au Rwanda, l’excellent Maso y’inyana du rappeur Kivumbi King, c’est lui ; My year (2022) de la nouvelle sensation du hip-hop rwandais, Ish Kevin, c’est encore lui. Au Kenya, il a collaboré avec plusieurs artistes : Nyanshiski, Xtatic, Kaligraph Jones, etc. Au Nigéria : Kizz Daniel, Banky W, Rema (oui, le Rema que vous connaissez tous), Timaya, etc. Il a, à son actif, plus de quatre-vingts chansons. Difficile de citer tous les artistes avec lesquels il a collaboré. Saviez-vous par exemple qu’il a déjà travaillé avec Omari Hardwick qui joue Ghost dans la série télévisée Power ?

KDaGreat est ce producteur touche-à-tout qui n’hésite pas à embrasser la nouveauté quitte à créer un nouveau style. Dernièrement, j’ai prêté l’oreille attentive à ses morceaux qu’il a produits pour les artistes burundais. La touche tradi-moderne avec les tambours, Umuduri et l’Inanga, commence à devenir sa marque de fabrique. Ecoutez Collabo de Mow’ Kanzi et DJ Philbyte, Si Rwanje et Mazi ya teke  de Big Zoé et Berry Music, et en haut, on a mentionné Kata de Rack et Sogokuru de 19TH. N’oubliez pas aussi de vous saisir de vos écouteurs pour savourer Gashima de Christian Ninteretse avec Alex Niragira de petits délices pour les oreilles. Comment un tel virtuose n’a-t-il pas encore la notoriété nationale qu’il mérite ? Nul n’est prophète chez soi, comme on dit…

Avare de compliments

KDaGreat n’est pas le seul prodige qui est allé briller sous d’autres cieux (où ils ont reconnu son talent). On peut vous en énumérer des dizaines et pas que dans la musique. C’est quoi cette manie des Burundais à se boucher les oreilles et à fermer les yeux face aux talents qui ont émergé dans leur pays et en dehors ? 

Anecdote. Lorsque j’ai rencontré KDaGreat, il y a quelques mois, je n’ai pas hésité à lui jeter des lauriers : le pauvre, il est si réservé qu’il s’est trouvé gêné face à un jeune homme féru de (sa) musique. Rares sont les Burundais comme moi, qui vont directement parler à leurs stars préférées. Est-ce lié à notre ‘pudeur’? Ne pas déranger un individu à qui vous n’avez jamais parlé ?

Ô combien de fois, je m’assois avec des ami.e.s et quand on voit une célébrité locale, ils font semblant de ne pas le connaître. « Yoca yishima » (ça va lui monter la grosse tête). Est-ce difficile de complimenter une personne ? Je comprends, des fois, pourquoi nos artistes vont voir ailleurs. Le Burundi ne sait pas récompenser ses enfants. C’est ainsi qu’on se retrouve avec de grands scientifiques, professeurs d’universités, économistes, etc., en train de servir d’autres nations. Et nous, nous balançons la carte du patriotisme. « Ah lui, il est resté à l’étranger parce qu’il n’aime pas son pays ». Alors qu’en vérité, on n’a que faire de son talent, de son travail, de ses connaissances…

Une nation de « ceux qui s’en foutent » ?

En parlant de patriotisme : quand KDaGreat a co-signé Balance de Wizkid, des médias kényans l’ont mentionné comme étant Kényan. Certains Burundais se sont levés pour crier « il est de chez nous ». Ce que le concerné n’a pas nié, mais a accepté aussi la double nationalité.

On attend qu’un individu perce pour se l’approprier ensuite. Typiquement burundais !

Quand j’ai discuté avec KDaGreat, il m’a confié qu’il a commencé la production musicale au début des années 2000 et qu’il s’est perfectionné en dehors du Burundi. A-t-il le devoir de lier son art au pays de « ceux qui s’en foutent » ? Heureusement qu’il est généreux et qu’il nous donne sans rien attendre en retour. Alors, KDaGreat, pardonnez-nous !

 

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