Si l’on devait faire le top 50 des meilleures chansons burundaises de tous les temps, 80 % seraient des classiques (Karahanyuze). Mais pourquoi ces chansons sont-elles intemporelles ? Pourquoi, aujourd’hui, rares sont les chansons qui peuvent s’asseoir à la même table que Intimba y’urukundo, Umugabo w’ukuri ?...
Dans les méandres de YouTube, une chaîne en particulier mérite son attention. Son nom est un peu bizarre : milk11honey. Cependant, c’est l’une des plateformes les plus importantes pour la chanson burundaise. Créée en 2009 au mois d’avril, elle héberge 117 vidéos. Toutes des chansons burundaises. Des classiques qu’on ne trouve pas ailleurs : de l’orchestre national en passant par du Canjo Amissi, de l’Inanga d’un certain Luc Ndayisaba, etc. Pour vous dire : cette chaîne, c’est un trésor.
Pourquoi je parle d’une chaîne YouTube ? Eh bien, parce que d’un, on trouve rarement des chaînes consacrées à notre patrimoine musical ; de deux, parce que cette chaîne, milk11honey, reçoit des vues chaque jour, alors qu’elle n’est plus active depuis presque dix ans ; et de trois, parce qu’une discussion sur l’un des réseaux sociaux qui grouillent sur la toile, a déterré le sujet des anciens classiques de la chanson burundaise, intemporels.
Les indémodables
Sur le réseau X, autrefois nommé Twitter, une question a été posée de savoir quelle est la meilleure chanson jamais sortie au Burundi. Les réponses varient, mais (presque) toutes se rejoignent quelque part : ce sont des classiques de la chanson burundaise. Les AbaX, des plus jeunes aux plus anciens, ont donné des réponses qui reflétaient une certaine admiration pour la musique d’antan : Umugabo w’ukuri, Yaramenje, Nzomuha ico ashaka, Ubushikiranganji, Kirezi c’umugenzi, Yasa n’irirenga, etc., sont apparues dans les plus appréciées. Ce sont des chansons qui en grande partie datent des années 70, 80, 90 et début des années 2000. Et il semble que plus le temps passe, plus ces tubes s’installent encore dans le cœur des Burundais : des indémodables.
Pourquoi ces chansons sont-elles intemporelles ? Pourquoi, aujourd’hui, rares sont les chansons qui peuvent s’asseoir à la même table que Intimba y’urukundo ? Spoil alert : ce n’est pas lié qu’à leur qualité.
Karahanyuze ou quand le cerveau commande…
En 2014, Slate.fr publiait un article intitulé « Si vous êtes attachés à la musique de votre adolescence, c’est à cause de votre cerveau ». En gros, l’article nous apprend que « des chercheurs ont découvert des preuves montrant que notre cerveau crée un lien plus étroit avec la musique que nous écoutons lors de notre adolescence qu’avec tout ce que nous pouvons entendre une fois adultes –connexion qui ne faiblit pas avec l’âge. En d’autres termes, la nostalgie musicale n’est pas juste un phénomène culturel : c’est une commande neuronale ».
Cet article va encore plus loin, « la première fois que nous entendons une chanson, elle stimule notre cortex auditif qui convertit les rythmes, les mélodies et les harmonies en un tout cohérent ».
Donc, si vous avez écouté dans votre adolescence, Kiradodora, c’est que cette chanson raisonnera dans votre tête, comme l’une des meilleures que vous avez jamais écouté. Selon l’article cité ci-haut, « entre 12 et 22 ans, notre cerveau connaît un développement neurologique rapide, et la musique que nous aimons pendant cette période semble s’incruster définitivement dans nos lobes ».
Bien sûr, ceci est prouvé scientifiquement, selon des études que l’auteur de l’article a utilisées pour expliquer pourquoi nous aimons les anciens tubes à succès. Cependant, il faut ajouter aussi qu’une chanson ne devient pas un succès par hasard. Depuis les années 1970, moult chansons sont sorties des maisons de production. Mais peu sont parvenues à captiver notre attention. Et vous n’aimez pas toutes les chansons de Canjo Amissi de la même manière. Vous avez votre préférée par rapport à d’autres de sa discographie.
Nul donc ne peut omettre l’idée que ces chansons que nous kiffons aujourd’hui, qui ont plus de 40 ans d’existence présentent une technicité et une écriture inégalées. Cela ne veut pas dire que les chansons d’aujourd’hui n’ont rien de tout ce qu’on vient de citer, mais chaque époque à ses classiques.
Quant à moi, la meilleure chanson burundaise de tous les temps, c’est Leave me alone de Fizzo. Ne me demandez pas pourquoi…